· En faisant quelques recherches supplémentaires, j'ai appris que certains théologiens musulmans refusent la distinction leibnizienne "fatum christianum"/ "fatum mahometanum". Leibniz aurait caricaturé l'islam et la soumission à la fatalité voulue par leur Dieu. Je te ferai part de mes recherches si ça t'intéresse (mais vu ce que tu m'as écrit il y a quelques années, c'est possible...) ·
J'ai commencé ton topo sur Leibniz, cela me rappelle de vieilles conversations (je ne me souviens pas que tu m'aies dit à l'époque avoir fait ton mémoire sur le sujet). j'ai dû te donner la version thomasienne ou simplement catholique de l'aporie que tu soulèves: "Quoi que l’on fasse, il apparaît clairement qu’il y a une difficulté à sauver Dieu du mal et à conserver la vision chrétienne du créateur et la liberté divine et humaine." Je ne sais pas si je t'avais convaincu à ce moment-là qu'on peut tenir les 2 bouts sans se contredire: Dieu n'a pas créé le mal mais seulement le bien et pourtant il nous laisse libre malgré la présence du mal dans le monde. Mais je parle sans avoir lu la suite (si tu as un doute sur cette possibilité je peux te l'exposer à nouveau). Je ne connais pas bien Leibniz mais d'après le peu que j'en ai lu je ne suis pas sûr qu'il apporte la même solution.
On sent l'influence chrétienne chez Leibniz, cela le rend fort sympathique et nettement plus proche que Spinoza. Je ne crois pas avoir tout bien compris avec une seule lecture rapide. Son protestantisme le pousse trop vers une certaine prédestination. En tout cas la nécessité en Dieu de créer tel monde plutôt que tel autre n'est pas catholique. Comment savoir ce qui est meilleur du point de vue de Dieu? Leibniz n'a pas bien médité sur le choix divin de Dieu fait-homme de finir sur une croix pour sauver les hommes, folie pour les grecs et scandale pour les juifs. Il aurait pu choisir un autre moyen plus digne de sa majesté et toute-puissance. Ce n'est pas forcément la meilleure façon, car il aurait été plus simple de nous sauver directement, ou même de nous béatifier dès la création, de nous sanctifier dès le sein maternel, ou immaculé comme Marie dès la conception. Ça dépend ce qu'on entend par meilleur, de notre point de vue ou du sien?
Il a choisi l'opposé de celui que nous, nous aurions choisi. Dieu n'est nécessité par rien, car ses pensées ne sont pas nos pensées, et dans sa simplicité divine, sa volonté et son intelligence ne font qu'une avec sa substance. Il est souverainement libre. Il aurait pu ne pas créer l'homme, ne pas appeler l'homme à la vision béatifique, ne pas racheter l'homme déchu, tout ceci ne change rien à sa béatitude et à sa perfection. Mais peut-être dois-tu penser que je ne comprends pas ce que Leibniz a voulu dire, ce qui est sûrement vrai. Ce qui est certain est qu'il veut notre bien et qu'il fait tout pour ça dans les limites de la nature qu'il a lui-même établie. Le mot le plus difficile pour moi est "prévoir", car Dieu ne prévoit pas étant donné qu'il n'y a pas de temps pour lui, tout est présent dans un instant éternel. Descartes dit des choses très intéressantes mais pas il s'éloigne de l'orthodoxie à cause de son idée de l'infinie et de la toute-puissance de Dieu selon laquelle un triangle pourrait être un carré. Je me sens très proche de Leibniz mais des choses me chagrinent. Il faudra relire tout ça avec plus d'attention.
Je comprends que ton allusion au fatalisme "paresseux" musulman n'est pas plu à tout le monde. Il va falloir creuser la fatalité musulmane exacte telle que l'entendent ses penseurs les plus autorisés. Le problème est qu'il n'y a pas d'autorité théologique officielle et absolue dans l'islam, pas de magistère qui tranche le débat pour savoir qui interprète la doctrine véritable. Le débat est sans doute insoluble, et la critique de Leibniz autant soutenable que le point de vue de ceux qui vont dire que le fatalisme musulman n'est pas paresseux
· Très rapidement et d'après mes souvenirs lointains (je vais me répéter):
-Leibniz a été dans sa jeunesse très fortement spinoziste mais il voulait conserver le Dieu transcendant des chrétiens sans le fondre dans la Nature; -Leibniz est un rationaliste et veut lever le problème de Bayle. Or, j'ai beau chercher -un peu- je ne suis pas convaincu par la liberté de l'homme du catholicisme associée à l'omniscience de Dieu. J'en suis toujours là. Pour lever mes doutes, un conférencier d'un de mes lycées m'a répondu la même chose que toi: prévoir n'a pas de sens pour Dieu puisqu'en dehors du temps. Cela n'enlève rien au fait qu'il a vu le mal dont est capable l'homme. La liberté que Leibniz défend, c'est méchamment dit par Kant, la liberté du tourne-broches. C'est en fait celle de Spinoza: la liberté de la raison qui s'accorde de manière stoïcienne à l'ordre du monde. Le cosmos grec est rassurant chez Epictète, la Nature l'est tout autant chez Spinoza, Dieu aussi dans son choix parmi les possibles chez Leibniz.
-le principe du meilleur est je crois impossible à comprendre pour un homme; il faudrait "cum-prehendere" le monde dans son ensemble pour voir la beauté du projet divin. Il est certain que, contrairement au Dieu-tyran de Descartes et des musulmans (d'après sa vision en tout cas), Dieu n'a PAS créé de toutes pièces les valeurs morales ni les vérités absolues. Il est lui aussi comme nous une grande raison qui vit les vérités éternelles.
Quant à la vision caricaturale du Dieu musulman, le fait qu'il n'y ait pas d'autorité n'arrange en effet pas les choses (d'où la difficulté, ce matin, pour faire comprendre qu'un musulman puisse ne pas répondre positivement à une "fatwa" envers un hérétique). Mais j'ai trouvé un article universitaire sur la question et il faut que je le lise. C'est cela qui renouvellera de mon côté la discussion. Je viens de relire avec nostalgie les quelques lignes de mon mémoire. Mon style est lourd et redondant mais décrit bien comment j'ai pu à travers Leibniz conserver mon christianisme. Leibniz dans mes lectures me parait le seul à donner une explication rationnelle, rassurante et aimante d'un Dieu créateur pas très éloigné du catholicisme et suffisamment éloigné du calvinisme pour rejeter le fatalisme (si je ne m'abuse).
· Pour aller au point crucial, je ne comprends pas bien pourquoi le fait que Dieu sache tout (même pas d'avance mais tout court) nous empêcherait d'être libres. Sa gouvernance providentielle tient compte de tous nos choix qui sont entièrement libres. Il n'apprend rien par nos décisions qu'il connait de toute éternité, avant même que nous existions. Par exemple, le fiat de Marie, auquel le salut du monde par l'incarnation du verbe en Jésus est suspendu, est un oui tout à fait libre. Dieu a tenu compte de cette acceptation depuis avant la création du monde. Si Marie avait dit non, il n'aurait pas choisi cette solution, ou il aurait demandé à quelqu'un d'autre. Dieu n'est pas soumis au temps, et sa science est une science parfaite et qui rejoint la moindre parcelle d'être de l'intérieur puisque l'être provient de son acte d'être et de ses idées divines. Il connait les substances à travers la connaissance qu'il a de sa propre essence éternelle.
Projeter nos pensées pour essayer de comprendre pourquoi Dieu fait ce ci et cela et rejoindre ses raisons est pour le coup une gageure. Car autant son être est incompréhensible pour des raisons humaines qui conçoivent les essences d'objets sensibles par abstraction, lui qui n'est que l'Etre pur sans essence, autant son mode d'être, de penser et de vouloir échappent à notre prise. Ce que Dieu est en lui-même dans son essence nous est tout à fait inconnu disait st Thomas. Dieu nous a fait à son image, libre de choisir nos actes dans une pleine connaissance de ce qu'ils sont et de leur impact par notre intelligence. Il meut notre volonté comme volonté, lui donnant l'être, l'énergie, le mouvement mais en tant que volonté libre. Il nous laisse choisir même le péché tout en voulant qu'on ne le fasse pas. Il sait que Judas va le trahir, il le permet et sans sert même pour sauver le monde: aucune surprise, connaissance de toujours, au service de son dessein éternel.
· Juste quelques mots: -Pour la liberté déterminée de Leibniz, c'est plus un sentiment qu'autre chose. Plus j'avance dans la vie, plus j'ai l'impression de ressembler à un tapis qui se déroule (et plus je ressemble à mon père...). Pour parler en termes leibniziens, je suis une monade dans le meilleur des mondes possibles conçu par Dieu. Et je me découvre au fur et à mesure de mes actions. -Concernant le libre-arbitre chrétien, il reste pour moi un problème. Regarde le mythe d'Er de Platon. Les âmes choisissent leur destin avant de chuter dans un corps (et d'oublier leur choix). L'homme n'étant pas sage, les destins de tyrans sont préférés. Il y a donc un libre-arbitre au départ mais ensuite le déterminisme est là. Si j'étais dans la peau de cette âme qui doit choisir son destin terrestre, jamais je ne choisirai un destin de vicieux (du moins j'essaierai). Sachant que je sais tout ce qu'il va m'arriver, je ne pourrai pas supporter de me faire exister sous cette forme de destin. Dieu dans la pensée de Leibniz a aussi fait du meilleur possible en déterminant le meilleur des mondes possibles logiquement et toutes les monades par la même occasion (dont chacune est le reflet de l'harmonie préétablie).
-Le dernier mail que tu m'as écrit pousse au fidéisme, ce que justement j'ai du mal à accepter et ce qui m'a mené naturellement au christianisme de Leibniz.
· Pour le "fidéisme", en tant que néo-thomiste j'espère ne pas tomber dans cette erreur, car elle en est l'opposé, si l'on voit le fidéisme comme système mettant dans la foi l'unique moyen de connaître Dieu et aucunement dans la raison. Un thomiste, mais aussi tout catholique surtout depuis Vatican I sait que Dieu peut être connu par la seule lumière naturelle de la raison, ce qui n'enlève rien à l'acte de foi qui donne de Dieu une connaissance bien plus précise et un attachement ou la volonté joue aussi un grand rôle qui fait que l'on aime Dieu tout en le connaissant, et non seulement un raisonnement sec et froid sur la possibilité de l'existence de Dieu et de certains des attributs qui vont avec une telle divinité: Etre pur, perfection, infinité, toute-puissance, omniscience, bonté, impassibilité, simplicité, éternité, etc... Si je passe pour fidéiste, j'ai dû mal m'exprimer alors.
Je reprends tes arguments un par un :
-"Les âmes choisissent leur destin avant de chuter dans un corps (et d'oublier leur choix)": la comparaison est vite différente d'avec le christianisme car nos âmes ne préexistent pas à nos corps, pas de chute ou d'âme prisonnière dans un tombeau, la matière n'est pas une punition, mais l'âme anime un corps, le composé formant une personne humaine, les deux allant l'un avec l'autre, l'un pour l'autre. Nous n'avons pas de destin au sens grec de futur tracé par avance, projet divin préétabli que nous subissons. Nous avons une finalité que nous ne choisissons pas au sens où nous ne décidons pas de ce que doit être le souverain bien, notre but ultime en tant qu'homme, par contre cet appel naturel au bonheur procuré par la vision béatifique (nous le voulons naturellement en tant que créé par Dieu en vue de ça, mais nous ne l'accomplissons que par une aide surnaturelle, appelée couramment la grâce. c'est donc à la fois quelque chose de voulu par Dieu et de naturel en tant que créature raisonnable dotée d'un intellect capable de contempler Dieu, car substance spirituelle faite à l'image de Dieu, mais ayant besoin d'un surplus de lumière nommée lumière de gloire, couronnement d'une vie pure et droite pour ceux qui auront cherché Dieu et vécu selon sa volonté. la finalité est offerte gratuitement à tous les hommes de bonne volonté dans le sens ou Dieu ne refuse dans un premier temps la grâce à personne, mais le péché dit mortel les coupe de la communion avec un Dieu tout à fait éloigné du mal (c'est assez logique, que le pur n'a rien en commun avec l'impur, ou le bien avec le mal). Le baptême que va recevoir ton enfant va ôter la tache originelle du péché, le faire fils adoptif de Dieu, et lui ouvrir les portes des grâces sanctifiantes donnés par les sacrements, mais aussi la prière et les bonnes oeuvres (les actes vertueux). C'est la voie ordinaire que Dieu veut pour les hommes depuis son incarnation et l'institution de son Eglise.
-"Il y a donc un libre-arbitre au départ mais ensuite le déterminisme est là ": pour un chrétien les deux coexistent sans se heurter. Qui n'a pas de déterminisme? On naît fille ou garçon, mais même avant cela, on ne choisit pas de naître: déjà double déterminisme. Certains se croient libres penseurs, libre de quoi? Ils pensent penser à partir de rien. Mais leur intelligence à des règles, elle-même puise tous ses matériaux à partir des sens, puis peut raisonner correctement grâce aux principes premiers de la connaissance (on sait tout de suite que la partie est plus petite que le tout quand on sait ce que signifient ces deux termes). On apprend (ou on subit) le langage de nos ancêtres, on est orienté par une culture, une mentalité, des penseurs qui nous ont précédés (pas de Descartes sans st Augustin, st Thomas, Platon, etc...).
A tous ces déterminismes que nous recevons avec notre être et notre essence d'animal raisonnable (tout cela se fait sans nous et sans notre vouloir), s'ajoute pourtant une vraie liberté car nous sommes également doué d'une volonté qui éclairée par la raison prend des décisions pour tel ou tel choix d'acte. Et là les choix sont en pratique tout à fait indéterminés en soi: je peux me lever ou rester assis, personne, sauf sous la contrainte morale ou physique, rien ne peut me pousser à choisir l'un plutôt que l'autre. Cela n'enlève pas la moralité de beaucoup d'actes, car certains me rapproche du plan divin (la finalité de le voir face à face et de l'aimer à cause de cela) car en tant que bonté parfaite il me faut pratiquer le bien et éviter le mal.
Pour reprendre tes termes, l'âme ne choisit pas ce que doit être sa destinée (car le destin évoque déterminisme absolu) en soi, car elle n'est autre que Dieu lui-même, et on ne décide pas qui est Dieu, sinon on tombe dans l'idolâtrie en se fabriquant des faux dieux), par contre elle peut décider de répondre à l'appel de sa nature d'être spirituel aidé par le don de la grâce surnaturelle qui va lui permettre de dire oui (adhésion qu'on appelle l'acte de foi) et de vivre en fonction de ce oui (pris en ce sens tu as raison l'âme choisi son "destin").
-"Jamais je ne choisirai un destin de vicieux (du moins j'essaierai) ": tu as la fougue de st Pierre qui avait dit à Jésus comme tu dois le savoir: "Si tous succombent à cause de toi, moi je ne succomberai jamais." (Mt, 26,33). C'était avant de le renier 3 fois. Malheureusement, contrairement à ce que pensait Descartes, la connaissance ne suffit pas pour accomplir le bien. Malgré les idées claires et vraies, on peut commettre le mal par faiblesse, par amour de soi, par une trop grand emprise de nos sens, une volonté non exercée, une vie intérieure trop vide, une non fréquentation des sacrements qui nourrissent l'âme, par de mauvaises habitudes, de petites lâchetés en petites lâchetés, on devient complice du mal. La triple concupiscence (de la chair, des yeux, de la vaine gloire), peut être vaincue contrairement à ce que disait Luther, mais cela ne se fait pas tout seul et sans efforts. Toute la vie chrétienne consiste en ce combat à mener contre nos mauvais penchants avec l'aide de Dieu. Généralement personne ne fait le mal pour le mal, mais en se trompant sur la nature des actes ou sur l'ordre à suivre. Mais en effet, à force de poser des actes contraires à Dieu, il n'est pas impossible de se complaire dans le vice, lorsque la volonté devient mauvaise, et choisit le mal en toute connaissance de cause. Beaucoup de gens pratiquent l'adultère en sachant que c'est une grave trahison au moins humaine qui peut tuer l'amour, en plus d'être une trahison envers Dieu.
-"Sachant que je sais tout ce qu'il va m'arriver" : seul Dieu le sait, aucun homme n'est capable de savoir ce qui va advenir (revenir à l'exemple de Pierre) et quels vont être ses actes futurs. Il est certain qu'avec les habitus, la répétition des actes, une ferme volonté de plus en plus armée, une vie vertueuse, une vie de prière intense, l'aide divine des sacrements, on peut s'attendre à grandir en sainteté et à éviter de plus en plus le mal, sans être à l'abri d'accidents, surtout au début.
-"Leibniz a aussi fait du meilleur possible en déterminant le meilleur des mondes possibles logiquement ": les actes librement posés par la volonté suivant ou non la raison (acte mauvais donc dans ce cas-là), ne sont pas déterminés sinon pas libres. Les êtres qui accèdent à l'existence ne suivent pas une cause logique dans le sens, qu'on ne peut pas déduire logiquement par analyse qu'un être n'existant pas va forcément exister un jour, car cette existence dépend d'un choix entièrement libre qui ne suppose aucune détermination. Dieu acceptent nos choix et fait avec, nous ne sommes pas des pantins mais des fils de Dieu (sinon le baptême de ton fils par exemple n'aura pas de sens, il faut qu'on en reparle un jour d'ailleurs).
La volonté de Dieu n'est déterminée par rien, car rien ne préexiste à Dieu. Sa volonté vient de son bon vouloir qui ne fait qu'un avec son être. Il ne faut pas élever les êtres inférieurs à nous (la pierre ne pense pas comme nous, il ne faut pas parler d'elle comme si elle pouvait penser comme nous le faisons), de même il ne faut pas abaisser Dieu à notre niveau et imaginer que ses pensées et ses choix existent comme pour nous.
En repensant au meilleur des mondes possibles de Leibniz, je me disais que cette théorie est bancale pour plusieurs raisons.
Si Dieu est obligé de choisir le monde qui s'impose à sa volonté comme étant le meilleur possible, il n'est pas libre de choisir tous les autres mondes possibles mais moins bons. Il serait paradoxale que Dieu soit l'être le moins libre de tous les êtres, car nous, nous ne choisissons pas toujours ce qui est meilleur pour nous, mais souvent ce qui est le plus facile, le plus délectable, le plus avantageux.
De plus, il ne faut pas concevoir les idées divines comme des essences préétablies qu'il découvre et qu'il ne lui reste plus qu'à choisir entre toutes celles-ci. Les idées divines sont le Verbe même que Dieu engendre par son intelligence et qui est sa substance même. Elles ne sont pas extérieures à lui, elles sont son Etre. Pour finir, parler de meilleur pour une oeuvre divine est un terme défectueux. En effet par rapport à Dieu, il n'y a pas de meilleur ou de moins bon. Lui seul est bon dans le sens plein du mot car lui seul EST purement et simplement.
Puisque le bien est corrélatif à l'être (autant d'être implique autant de bien, tout absence d'être due est un mal), toute créature est défectueuse recevant son être d'un autre. Le meilleur absolument parlant ne se trouve qu'en Dieu, et rien ne peut s'y comparer. Du point de vue des créatures, la meilleure d'entre elle est celle qui se rapproche le plus de l'Etre absolu qu'est Dieu. Or, l'ange est la créature qui est la plus à l'image de Dieu, intellect séparé, immatériel, ne raisonnant pas dans le temps et à partir des sens, d'une intelligence intuitive qui perçoit directement et comme de l'intérieur ce que les objets intelligibles par une lumière (espèces intelligibles) directe donnée par Dieu dès leur création. Un monde meilleur serait un monde peuplé d'anges seulement et non d'hommes. Or, Dieu a voulu ces deux mondes côte à côte, le nôtre étant moins parfait car plus éloigné de la nature divine dans un premier temps. Car le monde meilleur pour nous sera celui de la Béatitude céleste ou nous seront plus comme des anges tout en restant des hommes. Celui-là est vraiment le meilleur.
Leibniz croit forcément cela en tant que chrétien, mais sa philosophie rationaliste (dont l'opposé n'est pas nécessairement le fidéisme, autre erreur qu'elle) l'empêche de voir que le monde issu de la cause efficiente qui donne l'existence au essence, ne se déduit pas par analyse logique, et que les voies du Seigneur sont impénétrables: "Mais pour moi, que tes pensées sont difficiles, ô Dieu, que la somme en est imposante!" dit le psalmiste.