Sagesse chrétienne
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Au cours d'une émission consacrée initialement à l'islam, et réunissant un aréopage de personnalités de sensibilités bien ancrées à droite, le terme d'idéologie a été utilisé à plusieurs reprises, dans son acception péjorative en visant l'islam, puis le christianisme et pour finir le paganisme athée ou non. Nous jugeons donc nécessaire de nous pencher plus attentivement sur le mot "idéologie" qui est manifestement devenu presque une injure, alors que sa racine est le beau nom d' "idée".  Dans son sens le plus neutre et premier, l'idéologie devrait être la science des idées. Mais les confusions mentionnées montrent que ce sens n'est pas celui qui est couramment usité.    


 Une rapide relecture historique de ce terme pourrait nous être utile pour y voir plus clair. Nous y verrons que le mot a subi des mutations qui expliquent la confusion actuelle qui fait que certains pensent par exemple que le christianisme est une idéologie alors que d'autres ne l'acceptent pas.  Au commencement, avant que le mot idéologie soit inventé, il existait la notion de l'idée, dont Platon détient la paternité dans le domaine philosophique. L' Idée platonicienne, ἰδέαι, qui peut se traduire aussi par “forme” est ainsi dans son sens premier une réalité séparée qui explique le réel, qui rend raison de l'essence des choses. Elle est la cause formelle de la chose, ce qui la détermine et la fait être ce qu'elle est. Le mot “Idée” dans cette première grande métaphysique philosophique historique est équivalent au mot “essence”. Il donne une explication du monde physique réel mais il indique également le principe de l'être, l'origine des choses dans ses causes tout à fait premières. L'Idée va même au-delà du divin puisque le démiurge doit la contempler pour mettre de l'ordre dans le chaos primitif et faire surgir le cosmos physique. L'idée est le “réellement réel”, le “véritablement vrai”, ce qui est immuable, l'être qui reste le même, la vraie réalité, celle qui “possède toujours en même façon son identité à soi-même”. L'Idée n'est pas du monde de l'apparence, de l'opinion, elle est le vrai et ce qui est toujours. Elle est trans-physique ou métaphysique.  De même, l'homme a besoin d'être en contact avec ces réalités vraies que sont les Idées pour pouvoir penser. L'âme connaît par réminiscence, en se ressouvenant au contact du sensible des connaissances qu'elle possédait déjà. Les Idées sont en quelque sorte innées à l'âme, le sensible ne fait que les rendre actuelles. 
 Or, l'invention du mot “idéologie” est justement l'antithèse de la théorie platonicienne des Idées. Quand Destutt de Tracy l'a inventé (sans trop se fatiguer en collant les mots grecs idéa et logos), dans le sillage des philosophies des Lumières, du sensualisme de Condillac, ce fut pour remplacer la métaphysique par une science des idées dont l'origine est purement sensible, à l'opposé de l'innéisme platonicien. L' ”idéologie” au sens moderne est d'abord une doctrine matérialiste instaurée par des anti-métaphysiciens et des anti-théologiens. Les idéologues sont des révolutionnaires dans l'âme et des positivistes avant l'heure. Comment s'étonner alors que le terme ait été monopolisé ensuite par la doxa marxiste.  Un idéologue, à partir du XIXème siècle, n'est plus un anti-obscurantiste à la de Tracy, c'est au contraire un ennemi de la science, un ennemi du prolétariat et de la Révolution, car l'idéologie est la doctrine de la religion et de la bourgeoisie qui veulent garder l'ordre social existant, celui de la domination des privilégiés et de la sauvegarde de leurs intérêts égoïstes. L'idéologie est un système d'idées qui explique que le monde est régi par des lois naturelles elles-mêmes issues d'une loi divine. Le terme s'est transformé en une insulte pratique destinée à tous ceux qui ne veulent pas fléchir le genou devant l'idole marxiste.      

  Ce rapide tour d'horizon historique nous permet de nous positionner sur les accusations mutuelles lancées par les chrétiens envers les païens et vice et versa au cours de l'émission dont nous parlions. Les religions monothéistes sont des idéologies au sens premier et noble du terme. Le christianisme est un ensemble cohérent d'idées, de croyances, de doctrines. Les articles de la foi peuvent se justifier rationnellement. La théologie est une science qui fait appel à des notions philosophique qui permettent de rendre raison des motifs de la foi mais aussi qui aident les fidèles à avoir une plus grande intelligence de leur croyance. De plus de nombreuses notions telles l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme, la possibilité de substances séparées (les anges), la création du monde, peuvent être appréhendées par la seule lumière de la raison. Une distinction doit se faire ici avec l'islam qui est une idéologie en tant que corps de doctrine d'idées et de croyance, mais pas au sens d'une foi approfondie par la raison, car la volonté de Dieu explique tout et que le Coran étant la parole directe et incréée de Dieu, nulle interprétation rationnelle n'est permise. Tout doit être lu littéralement, “l'évolution du dogme” compris comme éclaircissement progressif dans le temps n'a pas de sens.  On ne peut pas dire que l'islam est une idéologie aux sens des “idéologues” sensualistes ou du marxisme dans son accusation d'arme de la bourgeoisie. Par contre on peut reprocher à cette religion d'est “holistique” ou “totalitariste” au sens premier, puisque tout y est mêlé, le religieux, le juridique, le social, le politique, du fait qu'il n'y a pas de distinction entre l'ordre temporel et l'ordre du spirituel comme dans le christianisme.    

 Si “idéologie” est pris dans son acception de la critique marxiste, alors oui le christianisme en est une dans le sens où il reconnaît un ordre naturel des choses lui-même prolongement d'un ordre surnaturel, et aussi parce qu'il s'oppose à une explication matérialiste du monde en général et de la pensée en particulier. Si l'idéologue est un spiritualiste, le chrétien en est un. En revanche, s'il faut entendre par là que l”Eglise est un service d'ordre à la solde de l'Etat pour défendre les intérêts de la bourgeoisie contre la menace des pauvres, alors le terme n'est plus acceptable, et une minutieuse relecture de l'histoire de l'Eglise s'impose pour démentir ces accusations de la propagande marxiste. En fait, cette Eglise est celle rêvée par le positivisme d'Auguste Comte qui voulait instaurer sa nouvelle religion de l'Humanité avec l'aide de la Compagnie de Jésus.     

De même, pour ceux qui voient dans l'idéologie une construction pure de l'esprit à partir d'une idée force ou de quelques idées, le christianisme ne peut pas être une idéologie lui qui existe par la révélation venant d'en haut et non de la seule raison. L'idéologie des idéologues à la de Tracy ou de leurs successeurs marxistes, elle est un postulat, une idée a priori de l'expérience, selon laquelle seule la matière existe et que tout vient d'elle. Voila l'idéologie péjorative, celle qui permet toutes les utopies. Proche parente du kantisme, privant la pensée de l'accès métaphysique aux causes premières et supérieures, à la théologie naturelle en philosophie, elle est idéologique et idéaliste en même temps puisqu'elle part d'un postulat, d'une idée et non du réel existentiel tel qu'il se dévoile à la pensée.         

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