Sagesse chrétienne
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Le gay savoir thomiste  Le philosophe catholique Thibaud Collin avait rédigé un excellent article critiquant le livre d'un dominicain haut placé dans la hiérarchie thomiste, le Père Oliva, qui tentait de démontrer en s'appuyant sur la pensée de son maître, saint Thomas d'Aquin, que les unions homosexuelles pouvaient légitimement recevoir la bénédiction de l'Eglise catholique et être comparées au mariage chrétien. Nous voulons compléter son analyse par quelques réflexions personnelles, et en creusant d'autres pistes thomasiennes. 

 Avant d'entrer dans les détails, et qu'on nous excuse pour ce pléonasme, pour commencer par les principes, de quoi s'agit-il ici. Nous parlons de mariage, de liens matrimoniaux, puisque le Père Oliva parle "d'union sexuelle", "d'affection", "d'amitié naturelle et surnaturelle", "d'amour", de "fidélité", et de "couple". Bref, nous avons ici a priori tous les aspects constitutifs d'un mariage catholique, sauf celui qui pendant des siècles a été considéré comme le premier et le plus important, et par certains à tort comme l'unique, la reproduction et l'éducation des enfants qui s'ensuit. Tous les développements de Thomas d'Aquin sur le sujet prennent appui sur ce fait fondamental de la finalité naturelle de l'union sexuelle. C'est ici que pousse la racine de la fausseté de l'argumentation du P. Oliva qui omet ce principe thomiste et que trahit son vocabulaire. Car l'utilisation du mot "couple", très à la mode pour les unions de personnes de même sexe est ambiguë et si les mots ont un sens, très mal choisi. Jusqu'à nouvel ordre, pour un dictionnaire classique, un "couple", dans l'acception qui nous intéresse ici (on laisse de côté le sens plus large de mettre ensemble deux objets de même espèce), c'est "le mari et la femme, un homme et une femme réunis" (Petit Robert). Comment en serait-il autrement puisque le nom renvoie au verbe "accoupler" qui pour le dictionnaire en ligne du CNRTL, hormis le sens déjà évoqué qui consiste à mettre indifféremment deux par deux des choses de même espèce, quand on parle de sexualité des animaux ou des personnes, il n'est question que de "s'unir pour la reproduction". Autant dire que tout notre sujet gravite autour de la génération de nouveaux individus au sein de l'espèce par l'union des sexes.  Nous n'oublions cependant pas que pour saint Thomas, si l'aspect matériel et final du mariage est la reproduction, l'aspect formel qui est la première perfection de ce sacrement est" l'union indissoluble des esprits" et les services réciproques que se rendent les époux (ce qu'on appelle maintenant le bien des époux). Un mariage stérile sans cause volontaire est donc un vrai mariage.  

Le Père Oliva aura beau nous donner tous les arguments psychologiques, affectifs, philosophiques, religieux, sociologiques et même thomistes qu'il voudra, il ne pourra pas changer la nature des choses par un coup de force idéologique. Dévoyer le sens des mots ne suffit pas. Il lui faut trouver un nouveau mot que celui de "couple". Car deux hommes ensemble sont stériles. Deux organes sexuels identiques mis en présence l'un de l'autre ne produisent rien, et encore moins ne reproduisent pas un nouvel être de l'espèce humaine.  Nous avons entendu sur une grande chaîne de radio, un scientifique dire le plus sérieusement du monde que le rectum était un organe sexuel car des s'en servent pour jouir sexuellement avec d'autres personnes. Mais qu'est-ce qu'un organe sexuel, sinon une partie du corps permettant la reproduction, soit un organe génital destiné comme le nom l'indique à la procréation. Dans notre naïveté nous pensions que le rectum était l'organe qui servait à évacuer du corps les impuretés appelées matières fécales. Car, le terme "organe", si lui aussi à un sens, désigne une partie d'un être vivant remplissant une fonction particulière. L’œil est fait pour voir, l'oreille pour entendre, la bouche pour parler, manger, boire et respirer. Selon saint Thomas, un organe sexuel est nécessairement ordonné à la finalité de l'union des sexes en vue de leur fonction biologique qui est la reproduction. Cette union des sexes, n'est possible que dans le cas de sexes opposés masculin et féminin, car ne serait-ce que physiquement, c'est seulement ainsi qu'ils peuvent entrer l'un dans l'autre pour réaliser une union sexuelle. Utiliser un organe sexuel avec un organe qui n'a pas pour fonction la reproduction et donc dans une finalité autre que celle prévue par la nature, "en n'utilisant pas l'organe voulu", est ce que saint Thomas appelle un "vice contre nature". 
 Or, quand on sait l'importance capitale que revêt la notion de nature chez saint Thomas, il va falloir faire preuve de beaucoup de souplesse, mais surtout de beaucoup de mauvaise foi ou d'aveuglement pour faire accepter le bien fondé de l'union des sexes identiques par la doctrine du docteur commun. Nous pensons surtout que nous sommes en présence d'une haute trahison de la doctrine thomiste.  M. Collin avait pris le soin de préciser que saint Thomas n'aborde pas le thème de l'homosexualité proprement dite avec toute la psychologie que cela comporte. La sodomie peut se pratiquer entre des personnes de sexes opposés, et parfois entre des personnes de même sexe pour des motifs différents de l'attirance affective. 
Le vice contre nature s'étend aussi à d'autres comportements qui n'ont rien à voir avec l'homosexualité. Saint Thomas ne s'en prend pas aux homosexuels en particulier mais à tout acte non conforme avec le dessein divin en matière de sexualité. L'accusation d'homophobie n'aurait eu pour lui aucun sens. En tant que théologien étudiant la morale, il ne veut juger que analyser que des actes, pas des personnes.    

 Le Père Oliva, qui se veut bon thomiste, oublie de suivre le conseil essentiel que donne un grand connaisseur de saint Thomas pour qui veut comprendre ce qu'il écrit: "il faut replacer chaque position particulière de la doctrine de Thomas d'Aquin dans le cadre général de la vision qu'il a du monde. Dans le cas qui nous occupe (opération de la connaissance intellectuelle), nous sommes invités à replacer l'homme à la place qui est la sienne dans une vision naturaliste de la nature." (Etienne Gilson, Eléments de philosophie chrétienne, Ed. Petrus a stella, p.171).  Ce qui est vrai pour les opérations de l'intellect humain, l'est aussi pour la reproduction sexuelle, qui même si elle est partagée avec d'autres êtres naturels, les animaux, elle revêt chez l'homme un aspect particulier, justement à cause de sa nature spéciale d'animal raisonnable. La sexualité humaine ne peut pas être mise en simple rapport avec celle des autres mammifères non pourvus d'intelligences immatérielles et spirituelles. L'homme est bien un être de la nature, mais sa nature est à la frontière entre deux mondes irréductibles: la matière et l'esprit.  Saint Thomas s'intéresse donc à l'homme réel possédant une nature ou une essence propre dans un monde fait de nombreuses natures, mais toutes régies par des lois naturelles. La nature d'une chose, c'est ce qu'Aristote appelle aussi son essence ou sa forme. C'est ce qui fait que la chose est telle chose. Dans l'univers naturel concret, tout être existant est déterminé par une forme qui en fait tel être particulier. Dans l'univers thomiste, les êtres sont créés par Dieu, et tous les êtres sont posés dans l'existence par l'acte d'être reçu de Dieu, avec une essence précise qui délimite et forme leur être. L'essence ne se choisit pas, pas plus que l'existence.  
 Cependant, la créature peut participer ou non à la production de nouveaux êtres en œuvrant comme cause seconde dans l'acte procréateur de la génération, alors que l'essence elle ne dépend absolument pas de nous. Nous ne pouvons que transmettre l'essence que nous avons nous. Les hommes engendrent des hommes et non des anges, des chevaux, des pommes, des pierres ou des tables.   
La loi naturelle est primordiale dans un univers thomiste. Les lois de la nature proviennent de la loi divine, puisque "c'est Dieu lui-même qui crée les natures telles quelles sont et telles qu'elles agissent conformément à leur essences respectives". La nature obéit au projet de Dieu " puisqu'une créature qui agit simplement selon son essence propre , ou sa nature, accomplit en fait le plan qu'à prévu la sagesse divine". De ce fait, "la loi naturelle est un cas particulier de la loi divine." On comprend aisément que ne pas suivre la loi naturelle ne peut aller de paire avec la bénédiction divine et la grâce sanctifiante. On ne peut pas être uni à Dieu et communier avec lui si l'on s'oppose à sa volonté sur les grands principes vitaux.  
C'est pourtant le tour de force que tente le P. Oliva et ce, sous le patronage du pauvre Thomas d'Aquin qui doit se retourne dans sa châsse en voyant la façon dont certains de ses disciples interprètent son enseignement.  Dans sa vision générale de la nature humaine, saint Thomas ne conçoit qu'une seule finalité pour l'acte sexuel de l'homme. La raison d'être du coït est la génération d'un enfant et l'éducation de celui-ci jusqu'à son autonomie complète: "L'éjaculation de la semence doit donc être ainsi réglée que s'ensuivent et une génération parfaite et l'éducation de l'engendré. Il apparaît ainsi que toute éjaculation de semence telle que la génération ne suivrait pas, est contre le bien de l'homme. La procurer délibérément est donc nécessairement un péché."(Somme contre les gentils, III, 122). Pour que cette éducation qui prend du temps puisse être accomplie dignement, "il est naturel que l'homme s'établisse en société avec une femme déterminée, non pour une courte mais pour une longue durée. Nous donnons à cette société le nom de mariage. Le mariage est donc naturel à l'homme, et l'union par la fornication, réalisée en dehors du mariage, est contre le bien de l'homme : à cause de cela elle est nécessairement un péché".  Voilà le cadre doctrinal qui contredit phrase après phrase l'argumentation du P. Oliva. Une union en dehors du mariage est pour saint Thomas un péché, une union même dans le mariage qui empêche l'éjaculation de la semence dans son lieu prévu et en vue de sa finalité de procréation est un péché. L'union qui n'est pas celle d'un homme et d'une femme est un péché, "en dehors des relations naturelles entre homme et femme". De tels péchés sont qualifiés de "contre nature" par saint Thomas.  Aussi le P. Oliva ne manque pas de toupet lorsqu'il cite le paragraphe de ce même passage de la Somme contre les gentils pour justifier le détournement d'un membre du corps pour une autre finalité que celle que prévoit la nature:    
 "Dans le contexte de morale sexuelle qui est celui du chapitre 122, §9 du livre III de la Somme contre les gentils, Thomas affirme qu’utiliser ses mains pour marcher, alors qu’elles sont physiologiquement conformées pour un autre usage, c’est ne commettre qu’un péché léger voire aucun péché. Nous pouvons appliquer un tel exemple à l’organe sexuel, grâce à la nouveauté d'Humanae vitae : bien que l’organe sexuel soit physiologiquement ordonné à l’autre sexe, qu’est-ce qui interdirait de l’utiliser dans un rapport avec le même sexe dans le contexte d’un vrai amour homosexuel, unique, fidèle et gratuit ? Rien, faut-il répondre sans hésiter.»     
 Saint Thomas fait justement la distinction, dans ce paragraphe choisi par Oliva pour étayer son argumentation, entre un acte indifférent moralement et accidentel, "marcher sur ses mains", (acte fait pour amuser, pour distraire, pour la gymnastique ou le cirque de nos jours et sans doute aussi au Moyen-âge) qu'il dit ne pas être un péché (à moins d'imaginer quelqu'un qui ne fait que se déplacer sur ses mains tous les jours et jamais en utilisant ses pieds, ce qui serait dû à un trouble mental extraordinaire et jamais vu, alors peut-être serait-ce un péché véniel, bien que la folie excuserait le côté volontaire de l'acte qui ne serait pas imputé à son auteur) et "l'éjaculation de la semence en dehors de la fin légitime de la génération et de l'éducation. Si ces mésusages ne s'opposent pas beaucoup au bien de l'homme, cette perte désordonnée de la semence répugne au bien de la nature qu'est la conservation de l'espèce. Aussi après le péché d'homicide qui détruit la nature humaine en acte de vie, ce genre de péché semble-t-il tenir le second rang : il empêche la nature humaine d'apparaître à la vie".  Il n'y a aucune commune mesure entre marcher sur les mains et détourner la semence de sa finalité. La mauvaise utilisation de l'organe sexuel est un acte si grave que saint Thomas le place juste après le meurtre. Les deux nuisent à la vie de l'homme. Ce sont pour lui les deux faces d'une même pièce de la culture de mort: ils combattent le vie.   

  Le P. Oliva aurait pu également avoir l'honnêteté intellectuelle de citer jusqu'au bout le chapitre 122. Il ne le fait pas pour la bonne raison que Thomas d'Aquin prend à témoin les Saintes Écritures elles-mêmes pour condamner tout rapport sexuel réalisé en dehors des saints liens du mariage et sans ouverture à la génération d'une vie nouvelle, avec une insistance particulière sur les unions homosexuels (trois fois en comptant les "impudiques" traduction pudique en français du latin "masculorum concubitores", soit ceux qui couchent avec des hommes): "Qu'illicite soit une perte de semence à laquelle ne suivrait pas la génération, cela est évident. Il est dit au Lévitique : « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on le fait avec une femme. Tu ne coucheras pas avec une bête ». Et dans I Cor. « Ni les impudiques, ni ceux qui se livrent à la sodomie, ne posséderont le Royaume de Dieu ». Le salaire de telles pratiques selon l'apôtre saint Paul est tout simplement la damnation éternelle. Ces actes sont par conséquent des péchés dit mortels. Comment le P. Oliva veut-il que l'Eglise donne sa bénédiction à des actes qui coupent de la grâce sanctifiante et qui font horreur à Dieu? Tout cela manque un peu de sérieux et de cohérence. 

 Le renvoie à l'Encyclique Humanae Vitae de saint Paul VI est aussi une vaste moquerie. Pour une fois que celle-ci est citée sans que ce soit pour la conspuer, il est navrant que ce soit pour en faire un énorme contre-sens.  Où le P. Oliva a-t-il lu dans ce texte une justification du détournement de l'utilisation du sexe masculin pour procurer un plaisir avec une personne du même sexe? La thèse de l'encyclique dit tout le contraire. Tout est ordonné vers la procréation et la natalité dans le cadre du mariage sacramentel et de l'amour conjugal d'un homme et d'une femme. L'encyclique rappelle donc dans la partie nommée "les principes doctrinaux" que:    
 « Le mariage n'est donc pas l'effet du hasard ou un produit de l'évolution de forces naturelles inconscientes: c'est une sage institution du Créateur pour réaliser dans l'humanité son dessein d'amour. Par le moyen de la donation personnelle réciproque, qui leur est propre et exclusive, les époux tendent à la communion de leurs êtres en vue d'un mutuel perfectionnement personnel pour collaborer avec Dieu à la génération et à l'éducation de nouvelles vies.»   
  
Le P. Oliva met en avant le côté affectif, amoureux, l'amitié naturelle vécue dans l'union homosexuelle, la sincérité voire la fidélité, et l'expression corporel de cet amour. Il peut en trouver un écho dans l'encyclique laquelle, dans la partie II, paragraphe 9, à propos des exigences caractéristiques de l'acte conjugal, dit qu'il doit premièrement être un amour pleinement humain, à la fois sensible et spirituel, acte de la volonté visant à faire des époux une seule et même âme, puis un amour total dans lequel tout est partagé sans égoïsme, aussi un amour fidèle et exclusif jusqu'à la mort, et enfin un amour fécond, « destiné à se continuer en suscitant de nouvelles vie ». Ce dernier point est celui sur lequel porte toute l'argumentation et l'intérêt de cette encyclique, or c'est la caractéristique majeure qui manque dans l'argumentation du P. Oliva. Pourquoi renvoyer à une encyclique qui tourne autour de la fécondité bien vécue, pour défendre un acte sexuel qui ne permet pas cette finalité ultime et essentielle?    

Le P. Oliva dit également que : « Saint Thomas place le principe du plaisir de l’union sexuelle entre personnes de même sexe masculin comme venant de l’âme et non comme venant du corps, où il avait placé en revanche les plaisirs vénériens. » (p.84) De là, il en conclut tout d’abord que « Saint Thomas considère l’homosexualité comme une inclination enracinée dans sa partie la plus intime, l’âme, à partir de laquelle s’expriment les affections et l’amour » et qu’il faut donc bien distinguer l’homosexualité du vice de sodomie pratiquée en vue du seul plaisir. Dès lors, « pour cette personne singulière, l’homosexualité ne peut pas être considérée comme contre nature, bien qu’elle ne corresponde pas à la nature générale de l’espèce ». C'est tout à fait inexact. On peut parler de perversion dans l'argumentation car il dit en fait le contraire. Pour saint Thomas les plaisirs venant de l'âme (qui est une âme intellectuel dans le cas de l'homme, appelée aussi « raison) » sont ceux « qui se trouvent en ce qui convient à l'homme selon la raison; ainsi est-il naturel à l'homme de se délecter dans la contemplation de la vérité et dans l'exercice des vertus » (I-II, qu.31,7, rép.). Les causes de plaisir naturel venant du corps et commun avec les bêtes, sont ceux qui n'obéissent pas à la raison, et concernent tout « ce qui appartient à la conservation du corps, ou quant à l'individu, comme la nourriture, la boisson, le sommeil, etc.; ou quant à l'espèce, comme les actes sexuels... ».  
La fin de la citation du P. Oliva va à l'encontre de ce qu'on a déjà dit de la loi naturelle. Le principe selon lequel un acte contraire à la nature générale de l'espèce n'est pas un acte contre nature est une contradiction dans les termes. C'est tout à fait absurde ne plus d'être antinomique et anti-thomiste. Mais le P. Oliva qui n'est pas à une contradiction près ajoute : Un couple homosexuel a un droit fondamental à se former, car l’homosexualité est composante constitutive de la nature individualisée des deux individus qui s’unissent dans une amitié naturelle et, éventuellement, surnaturelle ». L'homosexualité ne peut pas être « composante constitutive de la nature individualisée des deux individus », car il faudrait dire alors que l'homosexualité fait partie de l'essence même de l'homme. Nous venons de voir que pour saint Thomas la sexualité telle que Dieu l'a voulue et créée est faite en vue de la procréation et de la propagation de l'espèce. Ce ne sont pas les individus et leurs choix qui déterminent l'espèce. Les individus ne sont que des êtres concrets d'une même espèce qui sont faits d'une essence ou d'une forme analogue et qui s'incarne dans une matière qui les individualise. La forme est donc unique pour tous les individus d'une même espèce. Cette forme est spécifique, et l'homosexualité n'en fait pas partie sinon elle se rencontrerait dans tous les individus de l'espèce humaine. Elle ne peut absolument pas être constitutive de la nature des individus de l'espèce humaine.   

  Nous ignorons où le P. Oliva a lu que « Saint Thomas considère l’homosexualité comme une inclination enracinée dans sa partie la plus intime, l’âme, à partir de laquelle s’expriment les affections et l’amour ».  Saint Thomas ne parle pas d'homosexualité mais du péché de Sodome. Les raisons de cette pratique ne l'intéresse pas, pas plus que celle de la bestialité. Ce qu'il veut montrer, c'est que ce sont des actes contre nature et non voulu par la Dieu créateur de la nature.  D'où est venue l'idée au P. Oliva de faire de l'homosexualité une inclination enracinée dans l'âme, et comme faisant partie de l'essence pour certains individus de l'essence humaine? Il semblerait que cela proviennent d'une lecture assez libre et peu classique du passage suivant de la Somme Théologique:   
  « il y a des plaisirs qui, à parler absolument, ne sont pas naturels, alors qu’ils sont connaturels à certains égards. Il arrive en effet qu’en tel individu un principe naturel de l’espèce se trouve corrompu; et alors, ce qui est contre la nature de l’espèce devient accidentellement naturel pour cet individu, comme il est naturel, par exemple à cette eau échauffée de communiquer sa chaleur. Ainsi donc il peut arriver que ce qui est contre la nature de l’homme, au point de vue de la raison, ou au point de vue de la conservation du corps, devienne connaturel pour tel homme particulier, en raison de quelque corruption de la nature qui est la sienne. Cette corruption peut venir du côté du corps, soit par maladie – la fièvre fait trouver doux ce qui est amer, et inversement soit à cause d’une mauvaise complexion du corps: c’est ainsi que certains trouvent du plaisir à manger de la terre, du charbon, etc.; elle peut venir aussi du côté de l’âme, comme pour ceux qui, par coutume (propter consuetudinem), trouvent du plaisir à manger leurs semblables, à avoir des rapports avec les bêtes ou des rapports homosexuels ( in coitu bestiarum aut masculorum) , et autres choses semblables, qui ne sont pas selon la nature humaine. » (I-II, qu.31,7)     

Notre théologien a pris exemple sur une corruption de la nature pour l'ériger en une nouvelle essence, il a confondu l'exception défectueuse avec la règle. Quand Thomas dit qu'«il arrive en effet qu'en tel individu un principe naturel de l'espèce se trouve dénaturé; et alors, ce qui est contre la nature de l'espèce devient accidentellement naturel pour cet individu» (I-II, qu.31, 7), il faut bien comprendre qu’on parle d’un acte déformé, qui par définition n’est pas la norme. Ce n’est pas parce qu’un malade souffre d’une maladie, que son état actuel est normal et souhaitable. Au contraire, il suppose une rectification, un rétablissement. Le P. Oliva feint-il d’oublier que s’il est vrai de dire que tout ce qui est, est nécessairement présent dans la nature, il ne faut pas en conclure trop rapidement que tout y est naturel. Il a confondu l'empêchement, la défaillance avec l’état normal. Il est naturel pour un boiteux de boiter, mais il n’est pas naturel de naître boiteux. Il paraît naturel pour un homosexuel de s’unir avec un autre homme, il n’en reste pas moins que, pour saint Thomas, ce n’est pas un acte naturel.   

  La coutume dont parle Thomas d'Aquin n'est pas à prendre en exemple même si elle vient de l'âme. Car il y a coutume et coutume. L'une est une inclination naturelle et à donner le mot « mœurs », « l'autre est du reste toute proche, celle qui veut dire coutume, car la coutume devient en quelque sorte une nature, et produit un penchant qui ressemble à une inclination naturelle » (I-II, qu.58,1, rép.). Pourquoi certains peuples pratiquent la cannibalisme ou la bestialité ou les rapports homosexuels qui ne sont pas selon la nature humaine se demandent saint Thomas, parce que la nature a été corrompue par de mauvaises idées, de mauvaises habitudes, par une mode passée en coutume. L'accidentel est devenu essentiel. Il y a eu inversion des valeurs et corruption de la nature. Une seconde nature a pris le dessus. Le vice est devenu vertu, le mal est devenu le bien. N'oublions pas que la coutume issue de la volonté de l'homme ne peut prévaloir sur la volonté de Dieu. C'est pour cette raison que saint Thomas précise que "aucune coutume ne peut prévaloir contre la loi divine ou la loi naturelle" (I-II, qu.97, 3), ces deux lois émanant directement de la volonté divine.   
  Le P. Oliva est en définitive plus sartrien que thomiste, puisque l'essence supplante l'existence, elle se construit en fonction des orientations de l'appétit de l'âme, la volonté façonne et forme l'homme à l'image qu'il s'ait lui-même choisi.   

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