Le frère Paul-Adrien aime faire des vidéos en plusieurs points et généralement il choisit le nombre symbolique biblique 10. Nous précisons que nous aimons entendre ses exposés, mais nous lui ferons un reproche que faisait un autre dominicain, le Père Marie-Dominique Philippe au grand philosophe catholique thomiste Jacques Maritain : il ne creuse pas assez. Ce reproche était à nos yeux assez injuste. Par contre le frère Paul-Adrien nous paraît parfois trop superficiel ou même se trompe. C’est ce qu’il nous a semblé faire dans sa vidéo sur les 10 plus gros mensonges sur Jésus. A la fin, il précise que ces énormes mensonges sont ceux commis par les catéchistes dont les enfants seraient les victimes. Evidemment tout cela est présenté sous une forme humoristique, et le frère aime faire des grimaces et prendre des intonations burlesques. Veut-il imiter les facéties chères aux Pères du désert? Il faut donc faire la part des choses entre l’humour et le sérieux, mais tout de même, le sujet demeure des plus sérieux et on ne sait plus trop par moments si ce qu’il dit est du lard ou du cochon. Certes il n’aborde pas la double nature de Jésus vrai Dieu et vrai homme, source de presque toutes hérésies des premiers siècles de l’Église. Il ne touche pas à l’essence du Christ mais simplement à ses accidents, aux traits de moindre importances concernant la personne de Jésus en tant qu’homme. Mais puisque le Verbe s’est uni à la nature humaine en Jésus, son humanité à pris une dignité et une excellence exceptionnelle qui mérite un saint respect. Par souci de justesse et de déférence pour l’homme parfait qu’est Jésus, par gratitude pour ceux qui nous ont appris notre catéchisme, nos parents en tête, il nous semblait nécessaire de contester certaines affirmations du frère Paul-Adrien, car après tout un mensonge ce n’est pas rien. On ne parle pas ici du mensonge dit officieux, celui qu’on dit pour sauver sa vie, ni d’un mensonge pernicieux qui cherche à nuire, mais plutôt d’une erreur. Le frère Paul-Adrien a choisi un mot choc sans doute pour attirer l’audience et augmenter ses vues, mais ce mot n’est pas juste. Car le mensonge est une tromperie ou une dissimulation volontaire de la vérité. Le frère induit ses auditeurs en erreur, ce qui est pour le coup une tromperie. Serait-il comme il le disait lui même du pape un peu fourbe ? Les dix mensonges ne sont pas des mensonges et pour quelques-uns d’entre eux ils ne sont pas mêmes pas des erreurs comme nous allons essayer de le montrer.
Le premier mensonge serait que Jésus ne s’appelle pas Jésus. Or dit comme cela ce n’est pas vrai. Certes en araméen Jésus s’appelle Yeshoua, mais en Français il s’appelle Jésus. Cela est valable pour quasiment toutes les personnes de la Bible, Moïse, David, Marie, Pierre, etc. dont les noms ont été traduits dans la langue d’arrivée. Il n’a pas précisé de quelle langue il parlait, l’argument est biaisé. Le frère ici chipote et s’amuse.
Le deuxième mensonge, selon lequel Jésus n’était pas charpentier, contient une double erreur. Certes le mot grec tekton signifie un artisan en général, mais cela est le sens second. Le sens premier selon notre gros dictionnaire de 1850 Thesaurus Linguae Graecae issu d’un séminaire fermé, est « un ouvrier en bois, menuisier, charpentier », voire architecte. Le mot tektoniké quant à lui renvoie exclusivement à « l’art de fabriquer, de construire en bois » et tektanikos concerne la « rubrique dont se servent les ouvriers en bois ». Le frère Paul-Adrien penche pour le métier de tailleur de pierre ou de maçon comme si la Palestine était dépourvue d’arbres à l’époque de Jésus. Les maisons en pierre calcaires étaient réservées aux gens très riches, et les gens aisés avaient des maisons en briques. Par contre les gens plus modestes comme ceux de Nazareth n’avaient pour parois « qu'un grossier clayonnage revêtu d'argile pétrie et séchée au soleil ». Rien n’infirme le fait que Jésus ait pu être charpentier. Par contre la tradition le dit et comme le dit saint Thomas « la coutume a force de loi, abolit la loi et interprète la loi. » De toute façon le frère rejette les deux métiers. Jésus n’était ni tailleur ni charpentier mais guérisseur itinérant. Cela prouve que sa vidéo n’est pas à prendre trop au sérieux, mais nous craignons que certains esprits trop étroits le prennent trop au sérieux et oublient que Jésus a dû travailler au moins seize ans comme artisan avant de commencer sa vie publique qui n’a durée que trois ans. Il a donc été beaucoup plus charpentier que guérisseur itinérant. Le terme même de guérisseur n’est pas très bon, mieux vaudrait dire thaumaturge. On pourrait croire qu’il était rebouteux ou une sorte de marabout animiste. Voilà pour la troisième erreur.
Le troisième mensonge est plus subtil : Jésus est gentil. Pas du tout pour le frère car il a traité les pharisiens d’engeance de vipères et ses disciples d’hommes de « peu de foi ». Le mot grec l’amuse. Or ce n’est pas le mot mikropistos mais oligopistos qu’utilise Jésus. Quatrième petite erreur. Mais peu importe ce n’est pas parce que Jésus peut exprimer une sainte colère qui n’a rien à voir avec une passion qui le submergerait au point de devenir une faiblesse ou un vice, que Jésus n’est pas gentil. Le frère précise qu’il n’est pas méchant non plus. Mais qu’est-ce qu’être gentil ? On écarte d’office le nom qui veut dire un païen pour un non juif pour ne prendre en considération que l’adjectif. Le sens de « sage » réservé pour les enfants ne convient pas. Il reste le sens vieilli de « noble de naissance » qui correspond tout à fait au « fils de David » qu’est Jésus, de descendance royale par le sang. Pour ce qui concerne le sens du XVIè siècle « qui plaît par la grâce familière de ses formes, ses manières, de son allure » Jésus en tant qu’agneau immolé pour le salut du monde et en tant que grand prêtre se doit d’être sans tâche, intègre dans son corps, en tant que Fils de Dieu il est« plein de grâce et de vérité », il est« le plus beau des enfants des hommes , la grâce est répandue sur [ses] lèvres ». (Ps 45). Finalement et plus important est gentil celui « qui plaît par sa délicatesse morale, sa douceur, sa bienveillance ». Comment Jésus n’est-il pas celui qui a porté ces traits de caractère à leur plus haut degré surtout vis-à-vis des femmes pécheresses et des enfants : « laissez venir à moi les petits enfants » que les disciples chassent comme des mouches encombrantes. On pense à ses paroles à Marie de Magdala, à la samaritaine et à la femme adultère. Jésus a fait de la douceur une béatitude : « Heureux les doux, car ils posséderont la terre ». (Mat.5,4) Comment ne montrerait-il pas l’exemple ? « Goûtez et voyez que le Seigneur est doux » dit le psaume. Voilà ce qui se dégage de la personnalité de Jésus. S. Augustin dit: " Les doux sont ceux qui cèdent devant les méchancetés et ne résistent pas au mal mais triomphent du mal par le bien. " 157, a.4,ob .2 N’est-ce pas là ce qu’il a vécu par sa passion ? " Etre doux c'est ne pas contredire la Sainte Écriture » dit aussi saint Thomas. Jésus n’a pas voulu changer un iota de la loi ou des prophètes mais accomplir les Ecritures. Le frère a raison, il n’y a ni sensiblerie, ni sentimentalisme mal placé, mais il y a chez lui de la sensibilité bien placée : quand il pleure sur Jérusalem et à la mort de son ami Lazare.
Le quatrième mensonge sera rapide : les musulmans croient en Jésus. Qui croit une chose pareille ? C’est absurde car si les musulmans croyaient au Jésus de l’Evangile ils seraient chrétiens et non musulmans. Ce mensonge est sans doute là pour arriver au chiffre 10.
Le cinquième est un peu futile et woke : Jésus est blanc. Se basant sur l’archéologie le frère nous montre un Jésus aux cheveux courts et sans barbe qui ressemble plus à un homme de Néandertal qu’à un homo sapiens sapiens. La seule photo de Jésus que nous avons est un négatif qui donne une photo en noir et blanc. Difficile de savoir sauf si l’on regarde la peinture du coeur sacré de Jésus faite à partir de la vision de sainte Faustine. On est loin de l’homme des cavernes du frère.
Le sixième mensonge : Jésus est né dans une étable. Le frère nous explique que Jésus n’est pas né dans une étable mais dans une maison, et finit par nous dire qu’il n’est pas né dans la pièce commune située en haut, mais en bas avec les animaux dans ce qui ressemble à une étable et sans doute à côté d’un bœuf et d’un âne. Bref Jésus est né dans une étable. Ce mensonge n’en est pas un comme l’écrit Luc : « Elle enfanta son fils premier-né, l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche » ou une « mangeoire » selon les traductions.
Le septième mensonge Dieu n’a pas existé n’est pas un mensonge mais une erreur que seul Michel Onfray soutient encore. Nous avons déjà traité le sujet dans une vidéo récemment.
Le huitième mensonge Jésus parlait hébreu est à nouveau une inexactitude plus qu’un mensonge. Car strictement parlant Jésus savait parler hébreu. Le frère a en tête, et il fait exprès de le dire, comme langue maternelle et courante. Oui Jésus parlait araméen dans la vie quotidienne. Mais quand il allait à la synagogue et étudiait la Thora, il devait utiliser l’hébreu. L’historien catholique Daniel-Rops rappelle dans son Jésus et son temps que l’hébreu classique n’est devenu une langue morte qu’à partir du IVème siècle. « Tout jeune juif faisant ses études dans la synagogus savait un minimum d’hébreu, puisque la connaissance de la sainte langue était la base de toute culture. » Jésus parlait également le grec qui était la langue de la vie intellectuelle, du négoce et de la diplomatie. Contrairement à ce que montre le film de Mel Gibson, Jésus a dû parler à Ponce-Pilate en grec et d’après les écritures sans interprète. Qui plus est, en tant que Verbe de Dieu Jésus savait tout ainsi que le confesse Pierre après la résurrection au bord du lac de Tibériade. Saint Thomas enseigne que même selon qu’Il est homme, Jésus a une science de totale, son âme « est dite omnisciente parce qu’elle a la pleine connaissance de toutes les choses passées, présentes et futures », "car le Christ a la pleine connaissance dans la vision de l’essence divine même. » (Compendium, I, 2, chap.216,5). Jésus pouvait en fait parler toutes les langues et cela sans le charisme de la glossolalie.
Le neuvième mensonge : Jésus était pauvre. Faux, la preuve sa tunique. Elle avait un grand prix car les soldats romains ont voulu la tirer au sort. Mais l’Ecriture ne dit pas qu’elle avait de la valeur mais seulement qu’elle était faite « sans couture, tissée d'une pièce à partir du haut »; Si les soldats l’avaient coupée en quatre, elle aurait été fichue et sans utilité. Il n’a en plus de cette unique tunique qu’un seul manteau, trois ceintures et une paire de sandales. Ce n’est pas parce que les disciples avaient une bourse commune qu’elle était pleine, elle devait servir pour les moments où personne ne les recevait, ce qui devait arriver le plus souvent: « Quant à ceux qui ne vous accueilleront pas, sortez de cette ville et secouez la poussière de vos pieds, en témoignage contre eux." et « ils entrèrent dans un village samaritain pour tout lui préparer. Mais on ne le reçut pas, parce qu'il faisait route vers Jérusalem » . Parfois Jésus se fait inviter comme chez Lazare, Zachée, Matthieu et même chez un chef de pharisiens. Ce sont les seuls moments où les repas ne sont pas frugaux. Jésus n’a pas de domicile fixe dans sa vie de prédicateur. Il dort parfois dehors comme la nuit avant la passion. Il recommande à ses disciples missionnaires de mendier leur nourriture, de ne pas porter de sandales ni d’avoir une deuxième tunique. Avant sa vie itinérante Jésus a vécu une vie toute simple dans un village peu connu d’une région sans intérêt. "De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon?" se demande Nathanaël avant de rencontrer Jésus pour la première fois. Ses parents ont fait l’offrande des pauvres pour la purification de la femme qui vient d’accoucher, ils n’ont offert qu’un couple de tourterelles ou de colombes selon la prescription du Lévitique : « Si elle est incapable de trouver la somme nécessaire pour une tête de petit bétail, elle prendra deux tourterelles ou deux pigeons ». Ils n’étaient cependant pas miséreux sinon cela aurait été un dixième de mesure de fleur de farine. Qu’un religieux laisse entendre que Jésus n’a pas été pauvre n’est pas une parole édifiante, car c’est oublier que Jésus est le modèle des consacrés : il a vécu à la perfection les trois voeux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté.
Le dixième mensonge : Jésus était un hippie. Est-ce que certains s’imaginent Jésus comme un baba-cool pacifiste parce qu’il avait les cheveux longs et la barbe ? Jésus ne se droguait pas, n’écoutait pas du rock, n’avait pas de fleurs sur sa tunique et n’élevait pas des chèvres. Le frère a raison Jésus n’était pas un anar car il a fondé la plus vieille institution au monde qui fonctionne encore : l’Église Catholique