, ou la "race", qui en grec ont la même racine comme le rappelle le Philosophe dans sa Métaphysique au livre Δ, 28, et qui "exprime d'abord la génération continue des êtres ayant la même forme". Tant qu'il y aura des hommes pour donner naissance à d'autres hommes, il "subsistera le genre humain". Et pour que cette chaîne ininterrompue continue, il faut qu'un homme s'unisse à une femme pour engendrer un nouvel être possédant la même essence de l'humanité, le principe formel et déterminant qui fait que tel étant est ce qu'on appelle un homme. Ce lien intime qui permet la propagation du genre humain, par des ramifications qu'on appelle des races (au sens primitif de lignées de descendances), se fait à la base par la cellule familiale. La famille est au principe de la génération, puisque ce sont deux parents, un homme et une femme qui engendrent des enfants. C'est ainsi que depuis l'aube des temps s'est multipliée et propagée l'espèce humaine sur la surface de la terre. La définition de base du mot famille dans un bon dictionnaire ante-novlangue reste encore l' "ensemble constitué par un couple de parents et leurs enfants". C'est presque mot à mot la définition qu'en a donné Zemmour, et qui lui a valu des ricanements de la part de son interlocuteur.
Le problème est que dans le bouzouisme on ne parle pas la même langue, ce qui rend difficile la communication et la compréhension. Les mots n'ayant pas le même sens, les concepts s'en trouvent altérés. De plus, nous l'avons déjà dit nous sommes en face d'une métaphysique retournée dans laquelle l'essence ne vient pas avec l'existence mais se construit au fur et à mesure, après avoir déconstruit le réel déjà en place. Il est nécessaire de désessentialiser pour réessentialiser ensuite. Dans le bouzouisme, le genre et la race n'ont pas de sens. Le hollandisme nous a déjà appris qu'il n'y a pas de race, sans ajouter que par conséquent qu'il n'y a pas de racisme non plus, alors que c'est étrangement le mot le plus entendu sur les médias. Zemmour se fait moquer de sa conception archaïque de la famille pour la bonne raison que la famille n'existe pas plus que la race. Pourquoi toutes ces notions sont dépassées et illusoires, parce que l'erreur à la base est de croire que le mot "nature" a un sens. C'est de mémoire le chef d'accusation lancé par ce juge du tribunal du crime de la pensée: vous vous trompez parce que vous raisonnez encore en terme de loi naturelle, or cette loi est une construction mentale sans fondement dans le réel. Non pas que dans le bouzouisme le mot "nature" n'existe pas, mais il ne renvoie qu'aux phénomènes visibles et palpables du monde physique. Cela manque de profondeur. C'est oublier que certaines réalités échappent aux prises des sens ou que leur explication est plus profonde qu'on ne le pense de prime abord. C'est l'acception d'un enfant de CE1: les petits oiseaux, les arbres, les champs d'herbes, le soleil, ... Le sens philosophique du mot est oblitéré. Ce mot hissé au rang de science par la terminologie aristotélicienne est plus riche que le bouzouisme ne le croit. La nature est certes la réalité concrète du monde physique, du réel constitué par les substances. La substance, le sujet premier de l'étant, est la chose subsistante par elle-même, l'individu pris dans son essence. Nature, substance, essence, autant de mots renvoyant à la même réalité mais prise sous un angle différent. Nier la nature, c'est nier en même temps l'essence des êtres et l'existence de Dieu "puisque Dieu et la nature ont 'partie liée' " (
L'être et l'essence, Gilson, p.359). On comprend mieux pourquoi Sartre refuse l'idée d'une nature ou d'une d'essence déterminant l'homme. Seule l'idée d'une création divine implique un ordre, une loi, une nature préexistante à mon être et me donnant des obligations dans l'être et l'agir. Sans Dieu, je suis livré à moi-même et je me façonne selon l'essence que ma volonté choisie, "je me crée moi-même de rien et (...) je me donne moi-même ma propre loi".
Ne soyons donc pas étonnés de voir le bouzouisme rejeter la notion de "famille" qui serait telle par essence ou par nature. Il n'y a pas plus de nature des choses dans le bouzouisme, que d'essence des choses dans l'existentialisme sartrien. Il n'y a pas de forme qui donne la "quiddité" ( définition de ce qu'est la chose) de la substance, parce qu'il n'y a pas d'idées divines qui spécifient des être, qui donnent une détermination formelle aux substances. Qui dit absence de loi éternelle dit absence de loi naturelle et pas de nature au sens fort du terme. Il ne reste qu'une vague nature, la "dame nature" des poètes, la matière livrée à elle-même, sans cause formelle qui la spécifie dans un projet préconçu par une force transcendante. Dans cette nature tout se vaut puisqu'il n'y a pas de hiérarchie pensée et de modalité d'êtres se rapprochant plus ou moins de l'être de plus en plus immatériel et parfait qu'est Dieu, l'être acte pur. L'antique rerum naturam de Sénèque, l'ordre des choses établi par Dieu avec sagesse et indépendamment de notre volonté est ruiné. La Nature, mot valise avec une majuscule pour tout expliquer sans avoir à trop se fatiguer n'est pas un être en soi à part. La nature est l'oeuvre créée de Dieu, lui qui en est l'ordonnateur. La nature est le monde visible physique et invisible spirituel, car l'âme humaine est une substance en tant que forme subsistante par soi et les substances séparées, appelées plus communément les anges, le sont également. En son sens plus profond la nature est aussi l'essence de ces substances matérielles et immatérielles.
Le bouzouisme, au grand scandale de Zemmour, se permet de comparer la famille au cancer, car le cancer, lui, a le mérite d'être un être de la nature, ce que n'est pas la famille. Si la famille est naturelle, alors on peut la combattre comme le cancer qui lui aussi est un phénomène naturel. La doctrine bouzouiste n'étant pas à un sophisme près, confond nature et nature, substance et accident, nécessaire et possible, être et non-être. Non le cancer, même s'il se rencontre dans la nature, n'est pas une nature, une substance de la nature, mais un accident s'ajoutant à l'être substantiel. Le cancer n'est pas un être, pas plus que le non-être est un être, ni que le mal est un être. Le mal existe grâce au bien dont il est une corruption, une déviation. De même la maladie existe grâce au corps sain dont elle est une dégénérescence, une dégradation, une corruption. La maladie, selon la racine du mot, est un mal. Un mal n'a pas d'existence substantielle et naturelle. Ce n'est pas un être en soi mais bien plutôt une privation d'être, presque un non-être. Nous sommes en présence ici de l'erreur qui consiste, par manque de distinction, à penser que ce qui est dans la nature est naturel. Certes, tout ce qui possède l'être, de fait est dans la nature, puisque la nature est tout l'ordre créé qui a reçu un acte propre d'être en étant posé dans l'existence. Mais ce la n'implique pas que ce qui est dans la nature est naturel. Dans le bouzouisme "naturel" est pas identique à normal. Nous l'avons déjà dit ailleurs, en reprenant l'exemple classique de saint Thomas que s'il est naturel pour le boiteux de boiter, il n'est pas naturel pour un homme de naître boiteux. La claudication devient pour le boiteux comme une seconde nature puisque son état habituel est de boiter. Cela ressemble à une cause naturelle mais elle ne l'est pas. Elle n'est qu'une déviation de l'acte premier naturel. On peut trouver une explication physique, scientifique de la claudication, mais cette explication ne rend pas cette déformation légitime, normale. La claudication rentre bien dans les lois naturelles d'une nature blessée par la chute originelle ou la rectitude première n'existe plus. S'il est naturel à la claudication d'être une anomalie, il ne l'est pas qu'elle entre dans la normalité, car un homme est conçu pour marcher normalement et non pour boiter. De même, il est naturel mais pas normal que le bouzouisme soit une claudication intellectuelle car ses principes sont tordus.
Le bouzouisme est symptomatique de la pathologie actuelle, qui consiste à inverser les valeurs, à marcher sur la tête, à appeler l'être le non-être, le bien le mal. C'est plus que du relativisme c'est du transformisme intellectuel, du renversement complet de la vérité, du chaos mental (la folie n'est-elle pas la perte du bon sens?). Plus que jamais il nous faut un retour au réel et à une saine philosophie de type thomiste pour guérir les esprits malades de notre temps.