Sagesse chrétienne
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Nous sommes tombés par hasard en passant sur une joute oratoire opposant le polémiste Eric Zemmour à un certain Nicolas Bouzou, une personne assez lisse, ne faisant pas le poids en face du polémiste aguerri, mais un bon représentant de la caste dominante et de sa doctrine, dans le sens où de nos jours, le discours officiel du politiquement et philosophiquement correct, est tel que tous les membres de cette nouvelle aristocratie peuvent le réciter par cœur. En entendre un le débiter, c'est entendre tous les autres, un clone peut en remplacer un autre. Comme il y a le bouddhisme, qui passe aux yeux de beaucoup pour une religion, alors que le bouddha n'est qu'un homme "illuminé" qui se pense supérieur aux dieux car "il les déclare tous incapables d'assurer le salut des hommes, eux-mêmes ont besoin d'être sauvés, et les bouddhas sont au-dessus des plus grands dieux" d'après le cardinal de Lubac (Sur les chemins de Dieu, chap.1, note13), il existe maintenant en quelque sorte le bouzouisme, terme que nous utilisons pour personnifier cette tendance, qui n'est pas plus une injure que de parler du bergsonisme ou du darwinisme, qui n'est certes pas l'apanage de M. Bouzou, mais qui nous permet de la distinguer et de la nommer rapidement.     

Le "bouzouisme" est représentatif de ce système de penser à la mode, qui veut aussi supplanter le divin, et elle commence pour faire cela par nier l'oeuvre de Dieu. La doctrine est par essence une déconstruction du monde créé par le Dieu de l'ancienne alliance, un monde à l'image de ce créateur pour mettre à la place un monde à l'image de la créature. L'enseignement de Feuerbach repris par Marx, proche de celui de Nietzsche a volé le feu divin du ciel pour le rapporter sur terre. L'homme s'est fait dieu et a repris ce dont le ciel le privait depuis si longtemps. Ce fleuve puissant, après avoir parcouru de longues distances à donner une forme moins cohérente, l'existentialisme de Sartre. La guerre nietzschéenne contre la raison de Socrate, pour l'ivresse et la puissance de la volonté a apporté également son affluent d'onde trouble. Ce courant a fini par charrier de plus en plus de limon et de boue et s'est transformé en une eau philosophique de plus en plus impure. Avec Sartre le renversement de la pensée est total et l'intelligence de l'homme conçoit un monstre métaphysique d'une substance qui est posée dans l'être sans qu'il y ait composition de l'essence et de l'existence. L' ens, l' "étants", l'être réel, n'est plus tel ou tel être, mais il est un être sans détermination, sans forme au sens aristotélicien. C'est par la volonté que l'homme devient tel ou tel être. D'où le fameux dicton de sa compagne Simone de Beauvoir:"on ne naît pas femme on le devient". Au sens sartrien, cela signifie qu'il n'y a pas d'essence féminine en soi. On se choisit femme et on acquière a posteriori cette détermination spécifique. Ce n'est pas le "deviens ce que tu es" de Nietzsche, qui a le mérite de donner une base essentielle, une finalité que doit atteindre le surhomme, c'est le "deviens ce que tu veut être", un pur vouloir, une liberté absolue sans aucune détermination qui n'a rien en commun avec le réel tel que nous le percevons et nous le vivons. En régime chrétien, on reçoit doublement son être. D'abord son être naturel dans une essence déterminée, puis l'être surnaturel de la grâce qui nous transforme en homme nouveau régénéré, grâce qui restaure en nous la ressemblance de notre modèle divin. Ainsi saint Augustin dans un sermon adressé aux enfants qui se préparaient au sacrement de l'eucharistie leur disait: «Vous commencez donc à recevoir ce que vous commencez à être». D'une certaine façon Nietzsche avait raison, on devient l'image de Dieu par la grâce. La différence est que lui pensait le réaliser sans Dieu, et pour usurper sa place. 

  
 De cette façon, le "genre", γένος, ou la "race", qui en grec ont la même racine comme le rappelle le Philosophe dans sa Métaphysique au livre Δ, 28, et qui "exprime d'abord la génération continue des êtres ayant la même forme". Tant qu'il y aura des hommes pour donner naissance à d'autres hommes, il "subsistera le genre humain". Et pour que cette chaîne ininterrompue continue, il faut qu'un homme s'unisse à une femme pour engendrer un nouvel être possédant la même essence de l'humanité, le principe formel et déterminant qui fait que tel étant est ce qu'on appelle un homme.  Ce lien intime qui permet la propagation du genre humain, par des ramifications qu'on appelle des races (au sens primitif de lignées de descendances), se fait à la base par la cellule familiale. La famille est au principe de la génération, puisque ce sont deux parents, un homme et une femme qui engendrent des enfants. C'est ainsi que depuis l'aube des temps s'est multipliée et propagée l'espèce humaine sur la surface de la terre. La définition de base du mot famille dans un bon dictionnaire ante-novlangue reste encore l' "ensemble constitué par un couple de parents et leurs enfants". C'est presque mot à mot la définition qu'en a donné Zemmour, et qui lui a valu des ricanements de la part de son interlocuteur.     

Le problème est que dans le bouzouisme on ne parle pas la même langue, ce qui rend difficile la communication et la compréhension. Les mots n'ayant pas le même sens, les concepts s'en trouvent altérés. De plus, nous l'avons déjà dit nous sommes en face d'une métaphysique retournée dans laquelle l'essence ne vient pas avec l'existence mais se construit au fur et à mesure, après avoir déconstruit le réel déjà en place. Il est nécessaire de désessentialiser pour réessentialiser ensuite. Dans le bouzouisme, le genre et la race n'ont pas de sens. Le hollandisme nous a déjà appris qu'il n'y a pas de race, sans ajouter que par conséquent qu'il n'y a pas de racisme non plus, alors que c'est étrangement le mot le plus entendu sur les médias.  Zemmour se fait moquer de sa conception archaïque de la famille pour la bonne raison que la famille n'existe pas plus que la race. Pourquoi toutes ces notions sont dépassées et illusoires, parce que l'erreur à la base est de croire que le mot "nature" a un sens. C'est de mémoire le chef d'accusation lancé par ce juge du tribunal du crime de la pensée: vous vous trompez parce que vous raisonnez encore en terme de loi naturelle, or cette loi est une construction mentale sans fondement dans le réel. Non pas que dans le bouzouisme le mot "nature" n'existe pas, mais il ne renvoie qu'aux phénomènes visibles et palpables du monde physique. Cela manque de profondeur. C'est oublier que certaines réalités échappent aux prises des sens ou que leur explication est plus profonde qu'on ne le pense de prime abord. C'est l'acception d'un enfant de CE1: les petits oiseaux, les arbres, les champs d'herbes, le soleil, ...  Le sens philosophique du mot est oblitéré. Ce mot hissé au rang de science par la terminologie aristotélicienne est plus riche que le bouzouisme ne le croit. La nature est certes la réalité concrète du monde physique, du réel constitué par les substances. La substance, le sujet premier de l'étant, est la chose subsistante par elle-même, l'individu pris dans son essence. Nature, substance, essence, autant de mots renvoyant à la même réalité mais prise sous un angle différent. Nier la nature, c'est nier en même temps l'essence des êtres et l'existence de Dieu "puisque Dieu et la nature ont 'partie liée' " (L'être et l'essence, Gilson, p.359). On comprend mieux pourquoi Sartre refuse l'idée d'une nature ou d'une d'essence déterminant l'homme. Seule l'idée d'une création divine implique un ordre, une loi, une nature préexistante à mon être et me donnant des obligations dans l'être et l'agir. Sans Dieu, je suis livré à moi-même et je me façonne selon l'essence que ma volonté choisie, "je me crée moi-même de rien et (...) je me donne moi-même ma propre loi". 
 Ne soyons donc pas étonnés de voir le bouzouisme rejeter la notion de "famille" qui serait telle par essence ou par nature. Il n'y a pas plus de nature des choses dans le bouzouisme, que d'essence des choses dans l'existentialisme sartrien. Il n'y a pas de forme qui donne la "quiddité" ( définition de ce qu'est la chose) de la substance, parce qu'il n'y a pas d'idées divines qui spécifient des être, qui donnent une détermination formelle aux substances. Qui dit absence de loi éternelle dit absence de loi naturelle et pas de nature au sens fort du terme. Il ne reste qu'une vague nature, la "dame nature" des poètes, la matière livrée à elle-même, sans cause formelle qui la spécifie dans un projet préconçu par une force transcendante. Dans cette nature tout se vaut puisqu'il n'y a pas de hiérarchie pensée et de modalité d'êtres se rapprochant plus ou moins de l'être de plus en plus immatériel et parfait qu'est Dieu, l'être acte pur. L'antique rerum naturam de Sénèque, l'ordre des choses établi par Dieu avec sagesse et indépendamment de notre volonté est ruiné. La Nature, mot valise avec une majuscule pour tout expliquer sans avoir à trop se fatiguer n'est pas un être en soi à part. La nature est l'oeuvre créée de Dieu, lui qui en est l'ordonnateur. La nature est le monde visible physique et invisible spirituel, car l'âme humaine est une substance en tant que forme subsistante par soi et les substances séparées, appelées plus communément les anges, le sont également. En son sens plus profond la nature est aussi l'essence de ces substances matérielles et immatérielles.   
  
Le bouzouisme, au grand scandale de Zemmour, se permet de comparer la famille au cancer, car le cancer, lui, a le mérite d'être un être de la nature, ce que n'est pas la famille. Si la famille est naturelle, alors on peut la combattre comme le cancer qui lui aussi est un phénomène naturel.  La doctrine bouzouiste n'étant pas à un sophisme près, confond nature et nature, substance et accident, nécessaire et possible, être et non-être. Non le cancer, même s'il se rencontre dans la nature, n'est pas une nature, une substance de la nature, mais un accident s'ajoutant à l'être substantiel. Le cancer n'est pas un être, pas plus que le non-être est un être, ni que le mal est un être. Le mal existe grâce au bien dont il est une corruption, une déviation. De même la maladie existe grâce au corps sain dont elle est une dégénérescence, une dégradation, une corruption. La maladie, selon la racine du mot, est un mal. Un mal n'a pas d'existence substantielle et naturelle. Ce n'est pas un être en soi mais bien plutôt une privation d'être, presque un non-être. Nous sommes en présence ici de l'erreur qui consiste, par manque de distinction, à penser que ce qui est dans la nature est naturel. Certes, tout ce qui possède l'être, de fait est dans la nature, puisque la nature est tout l'ordre créé qui a reçu un acte propre d'être en étant posé dans l'existence. Mais ce la n'implique pas que ce qui est dans la nature est naturel. Dans le bouzouisme "naturel" est pas identique à normal. Nous l'avons déjà dit ailleurs, en reprenant l'exemple classique de saint Thomas que s'il est naturel pour le boiteux de boiter, il n'est pas naturel pour un homme de naître boiteux. La claudication devient pour le boiteux comme une seconde nature puisque son état habituel est de boiter. Cela ressemble à une cause naturelle mais elle ne l'est pas. Elle n'est qu'une déviation de l'acte premier naturel. On peut trouver une explication physique, scientifique de la claudication, mais cette explication ne rend pas cette déformation légitime, normale. La claudication rentre bien dans les lois naturelles d'une nature blessée par la chute originelle ou la rectitude première n'existe plus. S'il est naturel à la claudication d'être une anomalie, il ne l'est pas qu'elle entre dans la normalité, car un homme est conçu pour marcher normalement et non pour boiter. De même, il est naturel mais pas normal que le bouzouisme soit une claudication intellectuelle car ses principes sont tordus.    
 Le bouzouisme est symptomatique de la pathologie actuelle, qui consiste à inverser les valeurs, à marcher sur la tête, à appeler l'être le non-être, le bien le mal. C'est plus que du relativisme c'est du transformisme intellectuel, du renversement complet de la vérité, du chaos mental (la folie n'est-elle pas la perte du bon sens?). Plus que jamais il nous faut un retour au réel et à une saine philosophie de type thomiste pour guérir les esprits malades de notre temps.   

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