Sagesse chrétienne
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Nous venons d’écouter le débat opposant le Père Guy Pagès à Arnaud Dumouche au sujet du salut des musulmans et plus largement au sujet de la récente déclaration du pape François sur la diversité des religions comme émanent de la volonté divine. Nous n’avons pas été déçu du voyage pour plusieurs raisons. La première a été d’entendre dire de la bouche d’Arnaud Dumouche le fondateur du site Institut Docteur Angélique consacré à la pensée de Saint Thomas d’Aquin qu’il n’était plus thomiste. Cela a le mérite d’être honnête et confirme ce que nous subodorions depuis longtemps, cet ancien frère de saint Jean disciple du dominicain Marie-Dominique Philippe, est un ennemi de la scolastique en générale et de son plus illustre représentant en particulier, à savoir le docteur angélique, Thomas d’Aquin. Le problème est que ce même théologien et philosophe se trouve être aussi le docteur commun de l’Église. Rejeter sa doctrine peut par conséquent éloigner de la doctrine de l’Église elle-même. C’est ce qui malheureusement ne manque pas de se passer quand on écoute M. Dumouche et le Père Pagès n’a pas raté une occasion pour lui envoyer des arguments qui sans jeu de mots ont fait mouche. Il faut dire que ce dernier a prêté facilement le flanc à la critique. En voulant défendre le pape François, qui lui au moins avoue ne pas être théologien mais seulement un pasteur, en abandonnant le dominicain Thomas pour le jésuite François, il s’embarquait dans une galère inutile. Profitons de cette remarque pour dire que le Père Pagès lui a rappelé à très juste titre que la pastorale n’est pas une des deux jambes sur laquelle s’appuie le magistère pétrinien à côté de la doctrine pour sanctifier les âmes, mais elle en est plutôt la réalisation. La pastorale se sert de la doctrine pour s’orienter, pour s’appliquer de la façon voulue par Dieu. Elle n’en est que le prolongement et la mise en pratique.     


M.Dumouche commence le débat en disant que « le pape François dit que Dieu veut la pluralité des religions » et donc que toutes les religions se valent dans l’interprétation scolastique obligatoirement d’ailleurs la plupart des théologiens ont porté plainte contre le pape pour hérésie ce qui est aberrent puisque un pape dans un ministère publique ne peut pas , le Seigneur le tuerait ».  Cette première sortie au tout début de la vidéo vaut son pesant d’or et est révélatrice de la théologie personnelle de M.Dumouche. Elle est personnelle car coupée de la doctrine commune qui se fondent largement sur celle de Thomas d’Aquin. Le Père Pagès ne se prive pas de le lui dire : c’est votre pensée pas celle de l’Église. M.Dumouche, comme nous le verrons renvoie au concile Vatican II. Lui a-t-il échappé que maintes citations sont empruntées à saint Thomas d’Aquin et aucune aux révélations privées sur lesquelles il base sa théologie.
 L’Église n’a jamais fondée sa doctrine sur les révélations privées mais sur les Saintes Ecritures d’abord puis sur les Pères de l’Église, sur les docteurs de l’Église, les grands théologiens et sur les enseignements des papes dans la continuité du magistère et non dans la rupture avec celui-ci.  Ce n’est pas la scolastique qui dit que toutes les religions se valent, c’est la suite logique de dire que Dieu veut toutes les religions. S’il les veut directement par sa volonté c’est qu’elles sont toutes bonnes. Et alors elles sont toutes des voies du salut. Mais l’Église n’a jamais dit que Dieu veut toutes les religions. Il n’a voulu d’abord que le judaïsme comme préparation provisoire au christianisme, qui est la seule vraie et unique religion car le seule qui apporte le salut dans sa plénitude puisque le Christ est la seule porte du salut.  On voit là comment François est à l’opposé de Benoît XVI. L’un dit que Dieu veut un seul rite latin mais plusieurs religions, l’autre l’inverse, Dieu se plaît dans la diversité des rites pourvu qu’ils opèrent tous l’unique sacrifice eucharistique qui sauve, mais ce salut ne passe que par l’Église que le Christ a fondé, la seule qu’il a voulu positivement. Le futur Benoît XVI déclarait dans Dominus Iesus que la foi théologale chrétienne qui est « l'accueil de la vérité révélée par le Dieu Un et Trine » et « la croyance dans les autres religions, qui est une expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue, et encore privée de l'assentiment à Dieu qui se révèle » sont distinctes. Ce n’est pas la même foi. Ainsi « les livres sacrés des autres religions qui de fait nourrissent et dirigent l'existence de leurs adeptes, reçoivent du mystère du Christ les éléments de bonté et de grâce qu'ils contiennent »., « on doit dire que Jésus-Christ a une fonction unique et singulière pour le genre humain et pour son histoire: cette fonction lui est propre, elle est exclusive, universelle et absolue. Jésus est en effet le Verbe de Dieu fait homme pour le salut de tous ». « Avec l'avènement de Jésus-Christ sauveur, Dieu a voulu que l'Église par lui fondée fût l'instrument du salut de toute l'humanité. Cette vérité de foi n'enlève rien à la considération respectueuse et sincère de l'Église pour les religions du monde, mais en même temps, elle exclut radicalement la mentalité indifférentiste « imprégnée d'un relativisme religieux qui porte à considérer que "toutes les religions se valent". S'il est vrai que les adeptes d'autres religions peuvent recevoir la grâce divine, il n'est pas moins certain qu'objectivement ils se trouvent dans une situation de grave indigence par rapport à ceux qui, dans l'Église, ont la plénitude des moyens de salut. » Voilà en très condensé la pensée du pape précédent, très éloignée du Dieu veut la pluralité des religions.  De ce fait, comment Dieu voudrait plusieurs religions alors qu’il n’y a qu’un seul médiateur qui nous sauve ? Dieu a-t-il voulu et créé toutes les religions antiques, païennes, toutes les idolâtries anciennes, les sacrifices humains, les enfants brûlés pour Moloch , toutes ces autres religions qui ont persécuté et voulu détruire son Eglise et qui pour certaines continuent à le faire de nos jour ? Certes ces religions éprouve la foi des élus, mais il y a des limites. De plus Dieu ne veut pas et ne fait pas le mal directement, donc ces religions antichrists ne peuvent pas être de son initiative.  Pourquoi a-t-il dit aux hébreux « Parce qu'ils ont abandonné Yahvé leur Dieu qui avait fait sortir leurs pères du pays d'Egypte, qu'ils se sont attachés à d'autres dieux et qu'ils leur ont rendu hommage et culte, voilà pourquoi Yahvé leur a envoyé tous ces maux."1 rois9,6 ou encore « Tu ne contracteras pas de mariage avec elles, tu ne donneras pas ta fille à leur fils, ni ne prendras leur fille pour ton fils. Car ton fils serait détourné de me suivre; il servirait d'autres dieux; et la colère de Yahvé s'enflammerait contre vous et il t'exterminerait promptement. Deutéronome 7,5    

 M.Dumouche aurait dû poursuivre dans la voie du thomisme et il aurait su que Dieu veut les choses de différentes manières. Tout ce qui arrive il le veut forcément puisque s’il ne le voulait pas cela n’arriverait pas Dieu étant tout puissant. Dieu veut-il le péché puisque péché il y a dans le monde et plus qu’un peu ? Thomas d’Aquin citant le psaume 115 dit que « Tout ce que Dieu veut, il le fait. »  Mais Dieu peut vouloir les choses de deux façons : de volonté antécédente et de volonté conséquente. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés de façon antécédente, mais il accepte que certains le rejette et se perdent, et cela de façon conséquente, car il fait avec notre libre arbitre qu’il a lui même créé. Ainsi Dieu peut vouloir le péché dans le sens où il le permet, il le tolère pour que les hommes qu’il a créé à son image, puissent poser des actes vraiment libres et mériter des grâces de salut. On peut dire que Dieu veut toutes les religions seulement dans le sens très restrictif qu’il les permet aussi parce qu’elles sont des créations de la libre pensée et de la volonté de l’homme qu’il ne veut pas contraindre. Mais en fait par lui-même, de son côté, Dieu ne veut qu’une religion, qu’un seul culte car il est un seul Dieu qui nous sauve par son seul Verbe fait chair.  

   Que dire de l’argument selon lequel Jésus tuerait son vicaire si celui-ci se trompait dans son enseignement. M.Dumouche se fait une étrange idée de l’infaillibilité et de l’économie divine. Jésus a-t-il foudroyé Pierre après son reniement comme Pierre lui-même a fait mourir Saphire et sa femme Annanie en dévoilant leur péché par sa simple parole ? Il y a eu au moins un pape français à Avignon de surcroît qui a enseigné une erreur de son vivant sans être tué par le Seigneur, Jean XXII, qui contre l’avis de plusieurs cardinaux pensait que la vision béatifique ne viendrait qu’après le jugement général et non après le jugement particulier, c’est-à-dire dès le moment de la mort personnelle pour ceux qui mourraient en état de grâce. Il s’est rétracté avant la fin de sa vie.  
M.Dumouche pense justifier le désir divin de la pluralité des religions en disant qu’il la veut provisoirement, pour un temps, comme un moyen provisoire parce que si jamais il n’y avait que la sainte religion catholique sur terre l’exemple le montre, l’histoire le montre les prêtres, les cardinaux se mettraient à tuer de nouveau ». On se demande si M.Dumouche se moque du monde. Où a-t-il vu un moment de l’histoire où il n’y avait que l’Église catholique sur terre ? On imagine qu’il fait allusion à l’époque de l’Inquisition. La première contre l’hérésie albigeoise luttait contre une fausse église, donc une autre religion qui menaçait les bases de la société elle-même étant contre le mariage et pour le suicide et le rejet de tout ce qui était matériel. L’espagnole se battait contre les faux convertis juifs ou musulmans, elle était donc contre d’autres religions. Les prêtres d’ailleurs n’ont jamais eu le droit de tuer quiconque sous peine de renvoie de l’état clérical. M.Dumouche est victime de la légende noire de l’inquisition telle qu’elle a été enseignée par les historiens anticléricaux du XIXème siècle. Nous lui recommandons la lecture de M.Guiraud ou Sévilla sur le sujet. Le clergé n’a jamais été une bande de criminels assoiffés de sang qui aurait obligé Dieu a suscité d’autres religions pour les concurrencer et amoindrir leur pouvoir. On croirait lire l’Antichrist de Nietzsche.   

  Le deuxième point important du débat tourne autour de la fameuse formule « hors de l’Église point de salut ». Et là nous devons dire que les deux défendent une position qui n’est pas celle de l’Église.  Commençons par M.Dumouche  Il pense voir cela dans la constitution pastorale Gaudium et Spes de Vatican II « Nous devons tenir que Dieu par un moyen connu de lui proposera à tout homme la possibilité de... » Le Père Pagès lui coupe la parole pour corriger « propose » pas « proposera ». Il voulait dire sans doute se convertir et se sauver. Car M.Dumouche est un adapte de l’erreur moderniste et du protestantisme libéral du début du XXème siècle selon lesquels le salut peut se faire après la mort, « les infidèles et les pécheurs seront évangélisés après leur mort et auront la faculté de se convertir ». 
 Le Père Pagès n’a de cesse qu’il comprenne que cela n’est pas fondé sur les Ecritures ni sur l’enseignement constant de l’Église. Et ici nous lui donnons raison.  M.Dumouche affirme que « si jamais le Christ apparaît à l’heure de la mort aux musulmans qu’il leur montre qu’il est Dieu alors évidemment les musulmans de bonne volonté directement le reconnaissent ».  Si le salut est possible pour les musulmans, ce ne sera pas au moment de la comparution du jugement particulier qui est le moment du bilan de la vie passée sur terre. Comme dans un jugement d’une cour de justice humaine, ce n’est pas pour s’amender et effacer les actes commis, c’est pour les peser et les juger. L’amendement, la satisfaction viennent ensuite.  M.Dumouche ne trouvera rien là-dessus dans Gaudium et Spes, par contre dans le numéro 16 de Lumen Gentium il trouvera les arguments allant dans ls sens du Père Pagès.  En effet le concile ne va aucunement dans le sens d’une conversion possible des musulmans après la mort mais bien dès ici-bas. La mention de la bonne volonté concerne l’application de celle-ci dans les actes posés sur terre en l’état de pèlerinage et non dans la vision de Dieu.  

Le paragraphe commence comme par hasard par un emprunt à la Somme théologique de saint Thomas : « Enfin, quant à ceux qui n'ont pas encore reçu l'Evangile, sous des formes diverses, eux aussi sont ordonnés au peuple de Dieu ». Le dessein de salut enveloppe les autres monothéismes et les hommes des autres religions, soit tous « ceux qui, sans qu'il y ait de leur faute, ignorent l'Evangile du Christ et son Eglise, mais cherchent pourtant Dieu d'un coeur sincère et s'efforcent, sous l'influence de sa grâce, d'agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel. A ceux-là mêmes qui, sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance expresse de Dieu, mais travaillent, non sans la grâce divine, à avoir une vie droite, la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires à leur salut. En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l'Eglise le considère comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie ».  
Voilà une bonne compréhension du « hors de l’Église point de salut ». Il ne suffit pas d’appartenir au corps de l’Église, il faut surtout appartenir à son âme, c’est-à-dire il faut avoir la grâce sanctifiante sans laquelle il n’y a pas de salut possible. Ceux qui sont de bonne foi en dehors du corps, qui pratiquent les préceptes de la loi naturelle et de la religion dans laquelle ils sont nés, du fait qu’ils souhaitent faire ce que Dieu veut, appartiennent implicitement à l’Église catholique. Dieu les jugera sur ce qu’ils auront connu et accompli, non sur ce qu’ils auront ignorés de la loi. Voilà la doctrine catholique, et voilà pourquoi M.Dumouche se trompe. C’est également pourquoi le Père Pagès n’est pas exact quand il rétorque que les musulmans ne seront pas sauvés s’ils restent musulmans. Cela est vrai pour ceux qui ont eu accès à « la connaissance expresse » de la vraie nature de Dieu qui s’est incarné en Jésus pour sauver les hommes. Certes de nos jours avec internet il y a moins d’excuses à l’ignorance de ce que Dieu veut vraiment. Mais, strictement parlant, un musulman de bonne foi peut appartenir d’âme et de coeur à l’Église sans qu’il le sache si en conscience il y a une ignorance sincère de la volonté réelle de Dieu. Car l’ignorance invincible n’est pas juste ne pas savoir, c’est aussi ne pas réussir à adhérer à la vérité malgré les efforts à cause d’un conditionnement trop fort de son éducation religieuse d’origine, et de croire de bonne foi que ce qui est faux est vrai, par exemple que Jésus n’est qu’un prophète, un simple homme et non le Fils de Dieu.  On ne peut pas rester sur ce doute et sur le pari qu’un homme dans l’ignorance va bien vivre en suivant simplement sa bonne volonté et la loi naturelle. Le mieux est d’éclairer entièrement les consciences, car comme le dit la fin du paragraphe 16 qu’il ne faut pas omettre, « bien souvent, malheureusement, les hommes, trompés par le malin, se sont égarés dans leurs raisonnements, ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, en servant la créature de préférence au Créateur (cf. Rm 1,25) ou bien vivant et mourant sans Dieu en ce monde, ils sont exposés aux extrémités du désespoir. C'est pourquoi l'Eglise, soucieuse de la gloire de Dieu et du salut de tous ces hommes, se souvenant du commandement du Seigneur: "Prêchez l'Evangile à toutes créatures" (Mc 16,16), met tout son soin à encourager et soutenir les missions. »      

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