Sagesse chrétienne
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· As-tu lu l'article sur le futur pater dans le Famille Chrétienne de cette semaine que je t'ai envoyé hier ?     



· Oui mais là comme toujours l'accent est mis sur la traduction de "inducas" et non sur celle de "temptationem" qui est pris dans le sens négatif de tentation en vue du péché et non dans le sens positif d’éprouver la foi et la confiance envers Dieu.   


 · Oui, je l'ai remarqué...Mais on nous annonce qu'on dira "ne nous laisse pas entrer en tentation » début 2017. C'est surtout cela que je désirais que tu saches. Je vais t'envoyer une photocopie de 2 passages d’un livre, d’un de nos amis prêtres, sur Le Père, écrit avant l'année du Père avant l'an 2000. Il a lu tes écrits. Excellent travail, nous a-t-il dit ! C'est dommage, j'avais acheté ce livre à ce moment-là. Mais il me semble que je l'ai donné parmi d'autres livres pour alléger mon étagère de livres religieux.... 
Je vais le chercher jeudi et voir si je l'ai encore. Il m'a dit qu'il serait heureux de parler avec toi lorsque tu reviendras. Mais encore faut-il que vous soyez ensemble ici lorsque tu viendras, car il part très souvent...
 Je suis heureux qu'il ait apprécié tes écrits tout comme moi.     
Il a pris, d'ailleurs du plaisir, je l'ai senti, à ajouter d'autres explications aux tiennes, pour le « pain quotidien » et pour « ne nous soumets pas à la tentation », qui pourront t'intéresser. Ce qui montre qu'il s'est intéressé à tes écrits.   


  · J'ai lu avec intérêt les passages du livre de votre ami prêtre sur le Notre Père. J'ignorais complètement la règle sémitique à laquelle il fait mention. Je suis heureux de découvrir un point inconnu et nouveau et d'enrichir mes connaissances bibliques. Son argument, aussi pertinent soit-il, me pose quelques problèmes:  

-Il sous-entend que la traduction de la Vulgate est mauvaise, au moins en ce qui concerne ce passage, qui est tout de même la prière la plus importante de l'Eglise catholique, la seule que nous ait laissée notre Seigneur, mal traduite, voire erronée. Le Concile de Trente a pourtant dit que cette version est la plus certaine, la plus fidèle à l'inspiration du Saint Esprit, celle "que tous doivent employer comme authentique", et le Pape Pie XII disait qu'elle était "absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi ou les mœurs". J'ai du mal à croire que Dieu ait permis que le traducteur du texte hébraïque ou araméen de Matthieu en grec n'ait pas vu la différence entre dire "ne nous fais pas entrer dans la tentation" et "fais que nous n'entrions pas dans la tentation", ce qui ne signifie pas la même chose. Il faut donc admettre que depuis plus de 1500 ans, l'Eglise utilise une version qui comporte, à cause d'une négation mal placée, un déplacement sémantique. Déjà que les erreurs d'interprétation abondent à partir d'un texte identique, mais si en plus les traducteurs du texte sacré comme saint Jérôme sont passés à côté des spécificités des tournures de la langue de départ des évangélistes, le Saint Esprit ne nous facilite pas la tâche pour bien comprendre les vérités à croire pour être sauvé. Je préfère faire confiance à la traduction latine de la Vulgate, la recevant comme une base très sûre pour bien interpréter la parole de Dieu. Petite question annexe : comment savoir ce que la version originale en hébreu de st Matthieu disait puisque nous n’en avons plus aucune trace ?  

- si on demande à Dieu "fais que nous n'entrions pas dans la tentation". Qu'entendons-nous par "entrer"? Si c'est être exposé à la tentation, cela revient à demander de ne pas être "éprouvé", et on revient quasiment par une tournure négative à l'expression positive "ne nous mène pas à l'épreuve (de la tentation)". Sauf que "inducere" ne veut pas dire "entrer dans" mais "conduire à" ce qui n'est pas tout à fait similaire, donc la traduction est moins fidèle. Mais supposons qu'en demandant à Dieu qu'il refuse qu'on "entre dans" la tentation, on entend par là qu'il nous empêche de franchir le seuil de l'épreuve, ou de la tentation, ou de la tribulation; on implore Dieu de disposer le cours de sa Providence pour que les obstacles s'écartent de notre route. On revient alors à la prière de Jésus à Gethsémani, une demande à Dieu dont on sait qu'elle n'est pas sa volonté, c'est une prière qu'on ne veut pas raisonnablement mais qui exprime la répugnance de notre nature pour la souffrance, la défiance de nos capacités naturelles sans la grâce, l'humilité de notre volonté, la remise de notre sort dans les mains de Dieu: non pas ma volonté mais sa volonté. C'est le sens que personnellement je privilégie. 
De plus, saint Augustin et saint Thomas entendent tous les deux l'expression "entrer en tentation" comme signifiant "succomber à la tentation" ou céder au péché. Jésus demande de prier pour ne pas tomber dans le péché, car sans l'aide de Dieu et de sa grâce on ne peut rien. Ainsi quand saint Thomas citant Augustin dit "quisquis negat nos orare debere ne intremus in tentationem" (I-II, qu.109, sed contra), l'entrée dans la tentation est une entrée dans le péché et non le commencement de la lutte dans l'épreuve. L'homme a déjà cédé à la tentation car il ajoute juste après, "et on le nie si l'on soutient que, pour ne pas pécher, le secours de la grâce divine n'est pas nécessaire".   
"Entrer" n'est pas "mener à". Dans le Pater, on n'est pas encore dans le péché quand on est mené au combat. A Gethsémani, celui qui "entre dans la tentation", n'entre pas dans le combat, il a déjà été vaincu. Dans ses deux prières, Jésus ne parle donc pas de la même chose.


 - si on entend par "entrer" un synonyme de "succomber", "être vaincu", "accepter" la tentation, on demande à Dieu une chose impossible ici-bas dans l'état de voyageur, on ne peut pas demander à Dieu de ne pas pouvoir pécher, autant lui demander de ne pas avoir une intelligence et une volonté libre et de ce fait d'avoir une autre nature que la nature humaine. Ou bien c'est lui demander d'être sur la terre déjà dans la béatitude par anticipation, comme le Christ, et de ne plus pouvoir pécher, et non pouvoir ne pas pécher, par la "grâce achevée" qui détermine le libre arbitre au bien.
Dans notre état actuel, Dieu meut notre volonté comme volonté, c'est-à-dire comme une faculté que lui-même ne peut contraindre. Dieu n'enlève pas notre libre arbitre, et s'il nous empêche de choisir librement un mauvais choix, il fait que l'homme n'est plus un homme. Or c'est contradictoire, et il est impossible que Dieu se contredise. Il est inutile de prier Dieu de faire que notre décision libre soit empêchée. Par contre, si on voulait dire par cette prière qu'on demande à Dieu de nous donner la force dans la tribulation, il aurait été plus simple pour l'auteur sacré de le dire tel quel: "aide nous à ne pas succomber à la tentation", "donne nous la force de ne pas être vaincu par le mal". Mais ce n'est pas ce que dit Jésus si l'on se fie à la traduction latine de la Vulgate.  

 - quand Jésus nous dit :"priez pour ne pas entrer en tentation", il me semble qu'il ne nous dit pas qu'il faille demander à Dieu de ne pas nous laisser entrer en tentation, mais plutôt que la prière nous donne la force de tenir dans l'épreuve. Ici "pour" veut dire "afin". Car en français on prie quelqu'un "de" faire quelque chose et non "pour" faire quelque chose. Jésus ne nous demande donc pas ici de prier Dieu "de" ne pas nous faire entrer en tentation mais bien de prier Dieu "pour" obtenir son aide pour supporter l'épreuve. Il semblerait donc que Jésus ne parle pas tout à fait de la même chose dans ce passage que dans la prière du Notre Père.     


 · J'ajoute ceci : Pour ma part, je pense que le 1er pain quotidien à demander, c'est le St Esprit puisque, sans Lui, Jésus n'aurait pas pu prendre un corps, sans Lui, la Parole ( le Souffle ) n'aurait pas pu nous être donnée, sans Lui, Jésus n'aurait pas pu être ressuscité, sans Lui, nous ne recevrions pas le don de la foi et tous les dons et les vertus dont nous avons besoin pour devenir saints, sans Lui, le pain et l'eau ne pourraient se transformer en Corps et Sang de Jésus, sans Lui, nous ne sommes pas grand-chose!!! Certes l'Eucharistie vient ensuite comme Pain indispensable pour tout notre être (corps et âme). Bon, c'est mon point de vue. Je peux me tromper.      


 · Ok. Pour le pain quotidien je n'ai jamais spécialement pensé au St Esprit. L'eucharistie contient l'humanité et la divinité du Christ. Or la divinité du Christ est consubstantielle au Père et au St Esprit Donc le St Esprit en fait partie par nature. Le mettre en tête n'est pas une mauvaise idée puisqu'il est l'amour de Dieu et que le but premier de la communion est de faire grandir en nous la charité.    


 · Oui, en effet le St Esprit est consubstantiel au Père et au St Esprit. Je n'y avais pas pensé...De toute façon le pain quotidien c'est tout ce dont nous avons besoin pour la route vers la sainteté et le Ciel, et c'est tout ce que nous apporte la Ste Trinité : Les Trois, les Sacrements, la Parole, les Dons et Vertus du St Esprit, etc... et aussi, bien sûr, le pain matériel.      

· J'allais te le dire c'est la nourriture naturelle et surnaturelle pour avancer et croître en perfection.      


 · Sans vouloir réchauffer les plats déjà froids ni tomber dans l'obnubilation, il m'est revenu que j'avais omis de te parler de la meilleure explication que j'ai pu lire sur l'interprétation de la fameuse 6ème demande du Notre Père, c'est celle du Catéchisme du Concile de Trente. Je l'avais découvert peu après avoir rédigé ma petite réflexion personnelle, et peut-être m'en suis-je servi pour étoffer mon argumentation, mais comme c'était il y a maintenant fort longtemps, je ne m'en souviens plus. D'après mes souvenirs, j'ai eu au moins la satisfaction d'être en accord avec cette version au moins pour les grandes lignes. Avant que tu puisses un jour le lire je t'en livre les points marquants:   

-premier avantage, ce catéchisme traduit littéralement le latin: "ne nous induisez pas en tentation", ce qui met de côté tout problème de choix du français (plus de "succomber", ni de "soumettre", ni de "laisser entrer").  

-pour l'interprétation: deux sens, ressortent de la formule, et qui pourraient réconcilier tout le monde, le premier va dans mon sens, le second dans le sens habituel. on demande d'abord à Dieu de nous "préserver de la tentation" ("préserver" dans le sens courant veut dire "mettre à l'abri", "épargner") avec entre autres, l'idée sous-jacente d'implorer Dieu de ne pas nous envoyer des épreuves "trop fortes et trop dangereuses", dépassant nos capacités ; mais on demande bien que certaines épreuves s'éloignent de nous, pas toutes parce qu'on sait que c'est impossible et nécessaire (car le disciple du Christ ne peut pas ne pas porter la croix). Ensuite dans un deuxième temps on demande de "ne pas succomber à la tentation", donc sachant que certaines épreuves vont forcément avoir lieu, nous prions pour recevoir la grâce nécessaire pour résister au mal. 

 -pour ce qui est de "tenter", d'après ce catéchisme, on peut l'entendre en 2 sens: "c'est lorsqu'on veut les conduire (les hommes) par une voie longue et détournée, à leur bonheur ou à leur perte". "Les hommes sont tentés pour leur bien lorsque leur vertu est éprouvée, pour qu'elle devienne plus manifeste et plus connue, pour qu'ils soient en conséquence honorés et récompensés davantage; pour que leur exemple excite les autres à les imiter, et enfin pour que tout le monde loue et bénisse Dieu de leurs vertus". "Cette manière de tenter est la seule qui convienne à Dieu..." "C'est dans le même sens que Dieu tente ses amis, lorsqu'il les accable par les maladies, la pauvreté, et autres calamités de ce genre. Il agit ainsi pour éprouver leur patience et pour être aux autres un modèle de vertus chrétiennes". "Ainsi fut tenté Abraham...l'obéissance et la patience de ce patriarche sont devenues un modèle à jamais mémorable pour tous les hommes." "L'homme est tenté en mal, quand il est porté au péché ou à sa perte. C'est le propre du démon de nous « tenter » de cette manière; car il ne nous tente que pour nous tromper et nous faire périr". Le catéchisme précise ensuite "qu'être induit en tentation" c'est succomber à la tentation, mais qu'il y a à nouveau 2 acceptions du terme: "quand nous faisons le mal pour lequel nous sommes tentés et que nous nous laissons renverser par le démon" (en ce sens Dieu ne tente personne ,voir st Jacques); "quand pouvant empêcher que nous ne soyons tentés ou que nous ne succombions à la tentation, (Dieu) ne l'empêche pas, quoique d'ailleurs il ne nous tente pas lui-même et qu'il ne contribue point à nous faire tenter. Ainsi Dieu permet que les gens de bien soient tentés; mais il les soutient par sa grâce et ne les abandonne point. Quelquefois cependant, par un secret, mais juste jugement, Dieu nous abandonne à nous-mêmes, à cause de nos péchés, et nous succombons". "Dieu nous induit encore en tentation, lorsque nous abusons pour notre malheur des bienfaits qu'il nous avait accordés pour notre salut, et ... que nous dissipons...en vivant dans les plaisirs et en obéissant à toutes nos passions".  

 Bref, comme tu le vois, ce n'est pas aussi simple que le croit la journaliste de Famille Chrétienne (qui d'ailleurs s'écarte aussi de l'enseignement traditionnel de ce catéchisme lorsqu'elle met un M majuscule au "délivre nous du Mal", car Satan n'est pas l'auteur de tous les maux qui nous assaillent, moraux ou physiques. Je m'étais opposé d'ailleurs sur ce point à un ami curé qui en chaire avait résumé tout le mal dans la personne de Lucifer, alors qu'il existe d'autres origines au mal moral: mauvais exemples, les sens débridés, l'orgueil des yeux et de la vaine gloire. De plus la majuscule tendrait à faire du mal un absolu, alors que le mal en soi et seul n'a pas d'être. Dieu ne l'a pas créé. Il n'existe que grâce à l'absence du bien.  Peut-être votre ami n'a pas eu l’occasion de lire ces pages. Je doute qu’il fasse partie des gens pour lesquels l'ancien est forcément rance et dépassé et donc faux. Il ne donne pas cette impression. Qui lit encore les textes du XVIème siècle comme support pour bien vivre au XXIème siècle? Qui croit encore aux articles de foi du Concile de Trente et en son interprétation par son catéchisme? Dans une Eglise tentée, il faut bien le reconnaître, par beaucoup d'aspects du protestantisme contre lequel ce Concile avait été convoqué, je crains qu'à part une poignée d'intégristes ou de traditionalistes rigides, plus grand monde ne le fait. On laisse tomber dans l'oubli, ou marginaliser, ou diaboliser le trésor qui nous appartient. Il nous faut le récupérer.    

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