Sagesse chrétienne
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Dans une analyse plus ancienne nous avons déjà montré que Mgr Schneider fait du texte du Concile du Vatican II une lecture trop sévère voire même erronée. Il a au moins le mérite de ne pas s’appuyer sur le concile sans l’avoir lu, comme le font généralement les lefebvristes pour l’accuser de tous les torts, ou les progressistes pour justifier tous les abus et dérives en matière de liturgie ou de morale. 


 Cette fois-ci, Mgr Schneider refait la même erreur que Mgr Lefebvre avait faite au moment de la rédaction du Concile, au sujet de la notion de liberté religieuse.  En effet, d’après une réfutation du Cardinal de Lubac de la note écrite par Mgr Lefebvre pour réfuter la déclaration sur la liberté religieuse, que nous avons eu la chance d’obtenir par l’un de ses vieux confrères jésuite le Père de Guibert, la pierre d’achoppement venait de ce que la liberté était exaltée comme une valeur absolue.  
Pour Mgr Lefebvre, la liberté n’est qu’une « qualitas relativa », ou une valeur relative. C’est selon le RP de Lubac « méconnaître un attribut qui fait la grandeur et la dignité de l’homme créé à l’image de Dieu ». Mgr Lefebvre confondait en fait la liberté en tant qu’acte interne de la faculté de la volonté ou de ce qu’on appelle le libre arbitre, avec son acte externe, quand celle-ci s’applique dans les choix particuliers. Si l’homme est dit être fait à l’image de Dieu, c’est parce qu’il est une personne, c’est-à-dire un être doué d’intelligence et de volonté, qui agit donc en pleine connaissance de cause et d’effet. Il est responsable de ses actes car il les accomplit sans aucune contrainte et en sachant ce qu’il fait. Il peut ainsi mériter ou démériter son salut.  
Mgr Lefebvre pensait aussi que le liberté pouvait être qualifiée de « mauvaise » parce que d’après lui, « elle est bonne ou mauvaise suivant qu’on l’utilise pour le bien ou pour le mal ». Il n’a pas échappé au cardinal jésuite que ce n’est pas la liberté en elle-même qui est mauvaise, c’est son usage qui peut l’être . « D’autre part, dire que la liberté est mauvaise quand on s’en sert pour choisir le mal, c’est aller contre l’usage universel et c’est confondre la liberté et son usage ».  La liberté en soi est toujours une bonne chose, car c’est ce qui fait de nous des êtres à l’image de Dieu, capable de voir plus tard son essence et d’en jouir dans une béatitude éternelle.  
   Une erreur sur la notion de liberté ne peut qu’entraîner par voie de conséquence une erreur sur la notion de liberté religieuse, car une erreur sur le principe entraîne une erreur sur la conclusion dans un raisonnement logique.    
 Puisqu’on peut faire un mauvais usage de la liberté et notamment dans le domaine religieux, Mgr Lefebvre mettait en garde contre les « très graves conséquence de cette déclaration (Dignitatis Humanae sur la liberté religieuse) sur le droit de suivre la décision de la conscience et d’agir au dehors suivant cette décision ».
  Saint Thomas enseigne pourtant que l’on doit suivre sa conscience même si elle est erronée. Procéder autrement serait faire preuve de mauvaise volonté. Le propre de la conscience et du libre arbitre est qu’on ne peut pas le contraindre par la force, que ce soit en matière de morale ou de religion. On ne peut pas demander à l’Église de renier ses valeurs fondamentales. 
 C’est oublié que l’Église s’adresse justement aux consciences pour les éclairer et que la mission ne consiste pas à convertir par la force mais à persuader par la vérité et le bon exemple. Comme le dit le Père de Lubac, suivre Mgr Lefebvre sur cette voie, revient à penser que « l’autorité de l’Église a le droit de sévir par la force contre les ‘apostats, hérétiques et schismatiques », et que les autorités publiques ont le droit de persécuter un homme parce qu’il est rationaliste. » « De ce principe ( la vérité catholique exprimée par le Christ comme critère de la moralité), il s’ensuivrait que l’État devrait pénaliser tout acte humain qui ne serait pas pleinement conforme à la doctrine catholique. Ce serait l’instauration d’une tyrannie pire que toutes celles qui ont été critiquées dans le passé ».  Contrairement à ce que pensait Mgr Lefebvre, la déclaration sur la liberté religieuse n’« est [pas] fondée sur un certain relativisme ». Selon le cardinal de Lubac « cette objection sera toujours celle des hommes qui ne veulent se laisser instruire par rien, refusant d’admettre jamais aucun progrès dans la conscience humaine ou en quelque ordre que ce soit. » 
 C’est justement parce que « l’homme ne doit pas être contraint à professer telle ou telle religion contre son ‘dictamen conscientiae’ [qu’]on ne doit pas chercher à éclairer sa conscience en lui annonçant l’Évangile. Tout au contraire. Si la contrainte était de mise, c’est alors que l’apostolat missionnaire n’aurait plus de raison d’être. Quand on accompagne la prédication de dragonnades, la prédication est superflue : les dragonnades suffisent ».   

 Dans l’interview donnée par Mickael Matt visible dans une vidéo Youtube intitulée Synodal Blasphemy, Mgr Schneider reprend en gros les mêmes arguments que Mgr Lefebvre, et cela sans même probablement s’en rendre compte car il reste un évêque de l’Église catholique romaine et non un évêque de la FSSPX. Il explique que si un cardinal a dit à M. Matt pendant le Synode de la Synodalité que (et nous traduisons ses mots tels quels de l’anglais) « Nous ne proclamons plus la foi mais nous nous contentons de vivre et nous attirerons (les gens à la foi) », et donc si nous ne sommes plus missionnaires, cela vient d’une ambiguïté du texte du concile sur la liberté religieuse. La racine du mal est d’avoir dit que « l’homme a un droit naturel, toute personne quelque soit, de ne pas être entravé de choisir et de pratiquer la religion de son choix, de sa conscience ». Comme Mgr Lefebvre il reprend l’argument que « cette conscience peut être erronée, ça peut être le choix de répandre l’idolâtrie et le culte satanique, qui est aussi une religion aujourd’hui. » « Et par conséquent quand vous avez un droit naturel venant de votre nature, dans ce cas, l’Église catholique est mise au même niveau dans cette formulation. Et n’importe quelle personne à le même droit naturel, pas un droit civil mais un droit naturel, (d’avoir) la religion de sa conscience, et ceci inclut l’Église catholique, le paganisme, etc. Et cela est la racine la plus profonde de notre confusion présente, cette formulation ouvre la porte, quand c’est vraiment enracinée dans votre nature, que vous pouvez sans entraves répandre et pratiquer même un culte blasphématoire ».  
   Les mêmes causes ayant tendance à entraîner les mêmes effets, Mgr Schneider partant de la même erreur concernant la notion de liberté, arrivent à la même erreur concernant l’attitude de l’Église vis-à-vis de la liberté religieuse. Comme le dit Saint Thomas d’Aquin : « nous appelons couramment libre arbitre le principe même de cet acte, le principe par lequel l'homme juge librement « (S.T. I, 83,2), et il ajoute plus loin « car il est naturel à l'homme d'avoir le libre arbitre ». Puis il conclut : « Il reste donc qu'il soit une puissance ». Le libre arbitre est une puissance de l’âme humaine et non un simple habitus. C’est une faculté naturelle et essentielle de ce qu’est l’homme. Si « la liberté du choix appartient à la dignité humaine» (ibid. 59,3), car n’en déplaise à Mgr Schneider, elle appartient à sa nature d’homme, alors l’Église ne peut obliger qui que ce soit à adhérer au message du Christ. Dieu lui-même ne veut pas que l’homme l’aime par la force, sinon ce n’est pas de l’amour. Dieu meut ses créatures selon leur nature, et la nature de l’homme l’oblige à chercher et choisir Dieu librement car il est ainsi fait. Sinon il n’est plus un homme. L’Église ne peut qu’éclairer les consciences en espérant préparer un terrain propice pour la réception du don de la foi par Dieu. 
La déclaration Dignitatis Humanae porte bien son nom puisqu'elle propose comme fondement à la liberté religieuse la dignité de l'homme. "En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu'ils sont des personnes, c'est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et, par suite, pourvus d'une responsabilité personnelle, sont pressés, par leur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d'abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu'ils la connaissent et à régler route leur vie selon les exigences de cette vérité." Il n'y a ici rien de plus thomiste, rien de plus traditionnel. C'est parce que "cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres." L'Eglise se doit d'être logique jusqu'au bout. L'absence de contrainte essentielle requise par la nature même de la faculté de la volonté implique de facto l'absence de contrainte dans un domaine aussi important et primordial dans la vie d'un homme qu'est la pratique religieuse. Comment critiquer l'Eglise quand elle affirme que "les hommes ne peuvent satisfaire, d'une manière conforme à leur propre nature, (à l'obligation d'adhérer à la vérité religieuse ), que s'ils jouissent, outre de la liberté psychologique, de l'immunité à l'égard de toute contrainte extérieure. Ce n'est donc pas sur une disposition subjective de la personne, mais sur sa nature même, qu'est fondé le droit à la liberté religieuse."

 Le relativisme ne vient pas de la déclaration du concile sur la liberté religieuse, elle n’y est pour rien. Il faut le chercher ailleurs. Par exemple, on peut regarder du côté de la philosophie, où l'on a abandonné le réalisme de saint Thomas et pour écouter les sirènes de l’idéalisme, ou de la théologie avec l’immanentisme du modernisme, et d'autres systèmes de pensée dans lesquels l’individu devient le critère de sa propre vérité.

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