-Tout cela n'est pas simple. Pour la trinité c'est normal de ne pas la "comprendre" car en tant que mystère divin notre intelligence ne peut pas la saisir, en faire le tour, dans le sens de « com-prendre », enserré dans ses bras, ni l'appréhender ou la concevoir, car nous ne pouvons pas former un concept d'une essence dont l'essence est justement d'être tout simplement. Dieu étant l'Etre pur, sans être quelque chose comme toutes les choses sur lesquelles nous avons une prise intellectuelle. Nous pouvons réfléchir sur la Trinité, en scruter le mystère, en dire quelque chose de positif, tendre vers une certaine connaissance toute humaine qui n'atteindra jamais ce que Dieu est en lui-même dans son essence. Il faut juste faire attention au terme de "personne" utilisé pour décrire les trois personnes de la Trinité, dont st Augustin a dit qu'il ne trouvait pas de meilleur pour traduire le grec "hypostase" mais qu'il était très imparfait. Il est surtout dangereux d'y mettre derrière ce qu'est pour nous une personne humaine: un individu étant un être à part des autres tout à fait distinct substantiellement. En Dieu c'est différent car les trois personnes ne sont qu'une seule et même substance, ce qui fait de nous en effet des monothéistes. Il n'y a qu'une substance divine Père, fils et Esprit. C'est pour cela que le Credo en latin ne dit pas de Jésus qu'il est "de même nature que le Père" (car c'est vrai de tout fils et de son père humain) mais "de même substance",
Quand on dit que le Verbe est le fils, ce n'est pas au sens humain. Car il est engendré et non créé. Il est en Dieu le fruit de sa pensée. Mais comme Dieu est l'Etre pur et simple, son intelligence est son être, sa volonté est son être. Ainsi le Verbe, le Fils est la pensée de Dieu, laquelle, en tant que pensée divine, fait partie de son être, de sa substance. Elle n'est pas quelque chose d'ajoutée, sinon elle devient une créature, elle n'est plus divine.
L'amour de Dieu, fruit de sa volonté, est aussi un amour substantiel faisant partie de l'essence divine. Cette pensée infinie et parfaite qui est engendrée par l'intelligence divine et par laquelle il se connaît lui-même engendre à son tour un amour divin que l'on nomme le saint Esprit, amour substantiel de Dieu. Ceci est l'explication théologique de St Thomas qui m'a beaucoup éclairée pour approcher un peu ce mystère et voir qu'il n'est pas irrationnel de dire que ce rapport de relation des trois "personnes" en la Trinité, n'enlève pas la possibilité de l'unité divine.
En nous, l'intellect, la pensée qu'il conçoit par le verbe intérieur, et l'amour qui nous meut par notre volonté, sont trois aspects de notre être sans que notre pensée soit notre être, ni que notre amour soit notre être. Seules les facultés supérieures de notre âme, intelligence et volonté sont facultés réelles d'une substance existante. Notre pensée n'est pas une substance réelle existante, c'est un "être de raison" qui n'existe que dans notre pensée quand on y pense. Mais en Dieu sa pensée est son être même substantiellement existante, c'est elle qu'on appelle le Verbe ou le Fils. La différence vient de ce que la pensée (le Fils) procède de l'intellect divin (le Père) comme de sa source sans différence de nature, de substance, de perfection. Le saint Esprit procède du Père et du Fils par l'amour issu de la contemplation de sa propre perfection. Or l’amant, la source, nommé le Père, qui s’aime lui-même d’un amour parfait en se connaissant, a donc une idée de cet amour. Car personne n’aime ce qu’il ne connaît pas. Au contraire, c’est en percevant un bien, que l’on tend vers cet objet perçu par nous comme un bien délectable qui nous attire. Il faut bien que l’on ait la pensée de la chose aimée puisqu’on en a une connaissance.
Ce mouvement est ce qu’on appelle l’amour. En Dieu, la pensée de l’aimé est toujours le Verbe. Le Verbe, ou Fils, puisque la pensée procède du principe pensant qui est nommé Père, participe donc à ce mouvement d’amour. Ce mouvement, aussi nommé « spiration » ou « procession », est ce qui distingue de façon réelle les « personnes » de la Trinité. Il y a distinction réelle puisqu’il ne s’agit pas d’une simple considération intellectuelle à part, mais d’un processus réelle existant en Dieu. L'intellect divin précède logiquement et réellement la pensée conçue, de même que lorsque nous pensons, ce qui est conçu, le concept qui donne la définition de l'essence de la chose pensée, vient après dans un ordre logique mais aussi réel. La différence est que notre pensée n'est pas notre substance. Elle est un être non réel, qui n'existe pas à part de notre acte de penser. Nous ne sommes pas notre essence, nous ne sommes pas des êtres simples mais composés de matière et de forme, de corps et d'âme, d'être et d'essence. Nous ne sommes pas l'être en soi, simple sans essence ajoutée. Nous sommes quelque chose ou plutôt quelqu'un.
Ainsi qu’en l’homme, image de Dieu, on retrouve des vestiges de la main créatrice, où l’intelligence et la volonté sont des facultés desquelles vont être engendré la pensée et l’amour, en Dieu l’on devine, mais sous une forme infiniment supérieure et autre, une intelligence divine qui engendre une pensée et une volonté qui aime en pesant l’objet aimé.
Pour l'âme il faudrait à nouveau plus de temps. Il y a en effet une analogie entre Dieu trinité et notre âme, surtout avec l'exposé de st Thomas que j'ai tenté de te restituer avec mes propres mots. Puisque Dieu nous a fait à son image, il y a des vestiges du créateur dans sa création, et c'est un lieu commun en philo réaliste de dire qu'il n'est pas absurde de penser que certaines propriétés de la cause passent dans l'effet, comme il ne peut pas y avoir plus dans l'effet que la cause, et par conséquent nous ne sont que de faibles images de Dieu.
Le dernier schéma concernant l’âme est selon moi le moins bon. On peut en effet mettre corps / âme, mais c’est étrange de mettre « l’esprit » dans une troisième sphère différente car l'esprit peut être l'équivalent de l'âme puisque anima et spiritus veulent tous les deux dire "animer", les deux animent le corps (le mot « esprit » vient du latin « souffle », comme le souffle de vie que Dieu donne à Adam dans le Genèse au moment de la création). De plus l'âme dite sensitive est en lien avec le corps alors que l'âme spirituelle intelligence et volonté est tout à fait immatérielle et peut être rapporté à "l'esprit". Le terme "esprit" est utilisé parfois pour signifier l'âme intellectuelle. Saint Augustin en latin se sert du mot mens.
La conscience (=application de la connaissance à ce qu'on doit faire à un moment donné, ou connaissance de soi ou de quelque chose dans un sens plus large) et l'intuition (perception directe de l'intelligence) sont du ressort de l'intelligence, étrange donc de les mettre à part de l'âme supérieure et à part de l'intelligence dans le schéma.