Sagesse chrétienne
Le site de la doctrine catholique authentique

Un ami m’a recommandé le site « Pierre et les loups ». Le premier article sur lequel je tombe, d’un certain Matt Mallett, m’invite à quelques réflexions. 


Je cite l’entête en entier:  " ... 'en tant que seul et unique magistère indivisible de l'Église, le pape et les évêques unis à lui portent la très grave responsabilité de faire en sorte qu'aucun signe ambigu ou enseignement flou ne viennent d'eux, confondant les fidèles ou les rassurant par des propos lénifiants'.  (-Gerhard Ludwig Cardinal Müller, ancien préfet de la  Congrégation pour la Doctrine de la Foi First Thing, le 20 avril 2018).  Le pape peut être confus, ses paroles ambiguës, ses pensées incomplètes. Il y a beaucoup de rumeurs, de soupçons et d'accusations selon lesquels l'actuel Pontife essaierait de changer l'enseignement catholique. Donc, pour mémoire, voici ce qu'enseigne le Pape François ... »    

 Voici le passage concerné en anglais tiré de l’article susmentionné :  « In our age of social media, digital communication, and totalitarian mainstreaming, what is of primary importance is not whether the pope and the bishops reach people, but rather that through their message Christ reaches people, Christ who is the truth and the life of God. Therefore, as the Church’s one and only indivisible magisterium, the pope and the bishops in union with him carry the gravest responsibility that no ambiguous sign or unclear teaching comes from them, confusing the faithful or lulling them into a false sense of security. For the pope and the bishops, it is part of their occupational hazard to find themselves in situations where the opinion leaders and the mighty of this world accuse them of being out of touch with reality, hostile to life, or stuck in medieval times. The prophets of old were persecuted»  

Les lecteurs qui maîtrisent suffisamment la langue de Chesterton seront déçus de voir que la phrase du Cardinal Müller est tronquée, ce qui donne l'impression que c'est son opinion qui est mise en avant, alors que dans le texte en anglais, il dit simplement, que ce qui compte ce n'est pas que le Pape et les évêques touchent les gens, mais que le Christ touche les gens (= les convertissent). Ceci se fait dans un contexte de tyrannie médiatique dans lequel l’Eglise est toujours critiquée, persécutée, ringardisée, ce qui nécessite de sa part un discours clair et sans ambiguïté, car l’esprit du monde et ses sbires chercheront toujours à le déformer pour répandre la confusion dans les intelligences. Le cardinal Müller affirme donc simplement que l’Eglise enseignante ne peut se permettre une telle chose.  

Ceci dit, son texte est essentiellement une apologie du sacrement de l'eucharistie et une réelle critique de l'accès des protestants à la sainte communion, position apparemment défendue par son confrère et compatriote le cardinal Marx. « For the Catholic faith the connection between the Church and the Eucharist is constitutive. Therefore, in principle, only those baptized can receive sacramental communion who are in full ecclesial communion with “the one Church of Christ … constituted and organized in the world as a society, which subsists in the Catholic Church and is governed by the successor of Peter and by the Bishops in communion with him” (Vatican II, Lumen Gentium n. 8). Anyone who questions this revealed truth in theory or overrides it in practice enters into open contrast with the Catholic faith ».  

 Sur ce point de doctrine précis, dans la longue liste que dresse M. Mallett des enseignements du pape François, visant à démontrer sa parfaite continuité doctrinale d’avec ses prédécesseurs, il ne dit rien. On peut se demander alors pourquoi il se fatigue à dresser une longue liste de citations, si aucune ne correspond au thème de l’article.  

Ensuite, le cardinal Müller s'en prend aux journalistes qui étiquettent les nouveaux évêques de "conservateurs", selon quelques critères: pour ou contre l'ordination des femmes, pour ou contre la bénédiction des couples homos, pour ou contre le mariage des prêtres, pour ou contre l'accès à la communion des divorcés-remariés : « depending on whether he expresses himself “for or against” the ordination of women, “for or against” the blessing of homosexual couples, “for or against” priestly celibacy, and “for or against” Holy Communion for the “divorced and remarried.”  

Le pape François, selon la liste de M. Mallett, ne répond clairement qu'au premier critère : « Sur l'ordination de femmes dans l'Eglise catholique, saint Jean-Paul a eu le dernier mot, il a été clair. Et cela reste comme ça ».  Il parle certes « des personnes aux prises avec leur identité sexuelle » et « si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu'elle est en recherche de Dieu, je ne suis personne pour la juger » dit-il, il n’en reste pas moins que ne pas juger la personne homosexuelle n’est pas tout à fait la même chose que la bénédiction – c’est-à-dire l’approbation divine – d’une union entre deux personnes du même sexe avec consommation, comme s’il s’agissait d’un mariage au sens ou l’Eglise et la loi naturelle l’entendent). Quand il se demande si Dieu « approuve l’existence » de cette personne, la réponse est évidente, car toute existence accède à l’être par l’acte d’être pur qu’est Dieu, et tout être est bon en tant qu’être. C’est là un lieu tellement commun de la théologie thomiste qu’on a des scrupules à le citer. Mais "existence" n’équivaut pas à "acte moral". L’existence est un acte de nature (et de surnature pour notre âme spirituelle) qui ne dépend pas de nous. Cela est très différent de ce que nous faisons de notre existence et comment nous l’orientons dans nos choix moraux. Sur ce point-là, pas de commentaire dans les citations.  

Pour finir, le vraie critique actuelle qui fait dire à certains que le pape François s’écarterait de ses prédécesseurs est celle des 5 dubia issue du chapitre 8 d’Amoris Laetitia, questions laissées sans réponses par le pape, et là rien non plus dans la liste de Mallett. Or, pourquoi un esprit critique qui ne qualifierait pas une absence de réponse de positionnement « flou », « ambigu», ou « confus »,  sur un sujet d’une extrême gravité qui engage toute la vie sacramentelle de l’Eglise, soit son essence même de corpus mysticum ?  

Copyright

>>Admin