· Cela fait plaisir de t'entendre dire que tu as lu et apprécié mon petit essai. 

Pour ce qui concerne le document de M. de Mattei, malgré l’érudition de ce dernier, je ne puis souscrire à ce genre d'argumentation, qui pleine de bonne intention et de science, met l'édifice en péril. La personne qui l’interview renvoie d'ailleurs l'auteur à sa contradiction: remettre en cause l'infaillibilité pour la canonisation est la porte ouverte à la remise en cause de l'infaillibilité elle-même. Des catholiques se sont opposés à Vatican I (les vieux catholiques), d'autres au dogme de l'Immaculé Conception (un prêtre français a même tué un archevêque pour cela), d'autres à Vatican II, et en remontant dans le temps, on trouvera toujours des clercs ou des religieux s'opposant aux décisions des papes, des conciles et des docteurs. 

 Ce rigorisme exacerbé, qui reproche aux papes la propension à la canonisation trop facile, me fait immanquablement penser aux reproches du Christ adressés aux pharisiens, eux qui fermaient aux hommes le Royaume des Cieux. Faut-il se plaindre si les Souverains Pontifes actuels remplissent le ciel de nouveaux saints, ou plutôt ne font que reconnaître un nombre grandissant de chrétiens ayant bien vécu leur vie, au point que nous sommes sûrs qu’ils jouissent de la vision de Dieu, état qui reste après tout la finalité naturelle de tout homme? Le pape discerne un nombre important de saints, ne gâchons pas notre plaisir. Pourquoi des esprits grincheux cherchent à réduire à tout prix le nombre des élus au ciel ? Si le Christ dit que ce nombre est petit, c’est aussi pour nous provoquer et nous réveiller de notre torpeur. Ce nombre peut augmenter si l’humanité accepte d’écouter la parole divine et se laisse convertir, comme Ninive a su le faire en son temps, elle que Dieu avait voué à la destruction.

J'ai honte d'avoir à dire à certains pasteurs que ce qu'ils disent ne correspond pas à l'enseignement de l'Eglise, mais avant de se permettre d'enseigner le Premier Docteur qu'est le pape, il faut user de beaucoup de prudence, bien qu'un pape puisse, en droit, errer en tant que docteur privé. Mgr Lefebvre pensait avoir raison contre 3000 évêques et un pape réunis en concile œcuménique. Celui-ci rentre également dans le champ de l'infaillibilité, et à ce sujet-là non plus il n'était pas d'accord. Le Pr. Mattei, donne la fâcheuse impression de rejeter le bien-fondé de la sainteté de Jean XXIII non seulement pour absence de vertus héroïques de sa part, mais également, argument plus grave, parce que non seulement son pontificat « n’a pas été bénéfique pour l’Eglise » mais encore plus « a représenté un dommage objectif pour l’Eglise ». Ce n’est pas rien de dire cela pour un historien catholique. Derrière cette accusation se cache sûrement le Concile Vatican II. Et là, la tâche va être plus ardue pour que le Pr. Mattei nous explique que l’infaillibilité de l’Eglise n’était pas non plus engagée dans ce cas particulier, alors qu’un concile, lui, rentre dans le mode extraordinaire du pouvoir infaillible de l’Eglise. 

 Mattei dit que cette infaillibilité n'est pas de foi, certes, c'est vrai, mais elle rentre quand même dans les objets indirects de l'infaillibilité, et donc qui sans être une vérité révélée est dans un rapport tel avec elle, qu'elle reste indispensable à la conservation intégrale de la révélation chrétienne.  

Je ne lis pas dans l'âme de Jean XXIII comme semble pouvoir le faire cet érudit, mais je sais que Paul VI a beaucoup souffert en tant que pape, au moment de la tourmente post soixante-huitarde.