Sagesse chrétienne
Le site de la doctrine catholique authentique

Le Père Zanotti-Sorkine est l’exemple du bon prêtre qui, parce qu’il est un bon ministre de l’Église, veut être docile et fidèle au pasteur suprême, mais qui n’a pas encore apparemment compris que celui-ci est un jésuite, qui, par définition, pratique le jésuitisme. Ainsi, lorsqu’il aborde dans une de ses vidéos de sa chaîne Youtube répond à une question au sujet des divorcés remariés, « Est-il vrai qu’une personne qui a été mariée, qui a divorcé et qui épouse civilement une autre personne ne peut plus ni se confesser ni communier ? » ; il ne peut que s’appuyer sur le document qui fait maintenant autorité en la matière, c’est-à-dire le chapitre VIII de l’exhortation apostolique du pape François, Amoris Laetitia. Un auditeur familier avec ce texte comprend vite que le Père Zanotti l’a fait sien et en est tout imprégné. La seule différence est que le père Zanotti est plus direct et entier, ce qui fait ressortir les contrastes entre les contradictions dans lesquelles il va s’enfermer. Il aurait dû tenir compte du mot d’ordre que le pape François avoue franchement dans son chapitre VIII : « Je comprends ceux qui préfèrent une pastorale plus rigide qui ne prête à aucune confusion » et il continue en se contredisant immédiatement : « Mais je crois sincèrement que Jésus Christ veut une Eglise attentive au bien que l’Esprit répand au milieu de la fragilité: une Mère qui, en même temps qu’elle exprime clairement son enseignement objectif…. » L’Église ne peut en même temps rejeter une pastorale qui ne prête à aucune confusion et exprimer clairement un enseignement objectif.  Nous sommes dès le départ dans un « en même temps » qui plairait à M. Macron et qui mène les esprits vers le doute et l’incertitude. Le Père Zanotti lui-même semble savoir qu’il avance dans la brume en emboîtant le pas au pape François puisqu’il dit que « le pape a laissé entendre que dans certains cas... ». « Laisser entendre signifie qu’on ne dit pas clairement les choses pour les faire passer par ruse ou habilité. Pourquoi procéder ainsi si ce n’est parce qu’on sait que la pilule va être difficile à avaler si elle est administrée trop ouvertement, de façon trop visible. On avance caché quitte à semer la confusion dans les âmes des fidèles. On laisse sciemment planer un flou qui permet d’interpréter la doctrine comme cela arrange les uns et les autres et fait plaisir à tout le monde. Car le but du chapitre VIII est de faire rentrer le plus de monde possible dans la barque de Pierre. Il ne faut surtout pas froisser quiconque.  On nous assure qu’il y a continuité doctrinale, là ou d’autres voient une rupture, mais comme on a choisi de s’installer dans la confusion, les deux possibilités peuvent se défendre. Tout est relatif.  En fait, en choisissant la confusion à la clarté pour ne pas passer pour un psychorigide, le Père Zanotti tombe de Charybde en Scylla, et se retrouve dans un état pire que la confusion, celui de la contradiction.  Ce texte qu’il sait entretenir le flou et la confusion, fini bien évidemment par défier la saine raison, alors qu’il fustige ceux qui n’y adhèrent pas, en leur reprochant de manquer de bon sens, voire d’intelligence : « il y a toujours quand on est intelligent et que l’on a une bonne dose de bon sens un discernement à chaque situation humaine ».  Pourtant, ce n’est pas manquer d’intelligence de dire qu’il y a contradiction quand on affirme une chose et son contraire sous le même rapport et en même temps. Cela est d’ailleurs selon Aristote le premier principe que forme l’intelligence au contact de la réalité par les sens. C’est le principe de non-contradiction qui permet de vérifier la vérité de l’être et de former d’autres concepts à partir du réel. 


 Or le P. Zanotti tient pour vrai deux assertions incompatibles. La première est qu'un mariage validement contracté et consommé est indissoluble.  « L’Eglise considère qu’un homme ou une femme qui s’est marié un jour devant Dieu a pris un engagement sacré qui ne peut pas être dissout. Par la volonté des hommes, c’est ce qu’on appelle l’indissolubilité du mariage. En se remariant civilement cette personne s’oppose à sa première union qui est pourtant sanctifiée par Dieu et elle ne peut donc plus ni se confesser ni communier. Voilà pour la loi, la loi générale ». Le Père connaît sa théologie et elle correspond au résumé d’un bon manuel de théologie morale classique :  « Il résulte un lien qui de sa nature est indissoluble et exclusif de tout autre lien matrimonial.  Etant donné que le lien est indissoluble, il ne peut jamais être dissous du vivant de l'autre conjoint, mais il se dissout de lui-même par la mort. - Cette indissolubilité absolue n'appartient cependant qu'au mariage consommé entre baptisés ». (Héribert, Précis de théologie morale catholique).  La deuxième assertion commence avec un « maintenant » qui est la nouvelle version du « mais » plus classique : « Maintenant il est clair que chaque cas doit être pris en compte ». Il se lance dans la bonne vieille casuistique chère aux jésuites des Provinciales de Pascal, pour faire accepter que cette indissolubilité qu’il vient de mentionner, ce lien absolu que seule la mort peut rompre, est compatible avec un nouveau « lien » qualifié de « noble » (le premier existant toujours), entre un homme et une femme « unis par un amour indéfectible ». 

On se retrouve donc avec deux unions, deux liens, deux amours indéfectibles, mais dont seul le premier est un sacrement indissoluble et le second une union que l’Église jusqu’à récemment qualifiait d’illégitime et même d’adultère. En fait le deuxième lien n’a pas de réalité pour l’Église et au-delà pour Dieu, puisque le premier existant étant indissoluble jusqu’à la mort, le deuxième n’existe pas. Dans cette novlangue théologique les termes anciens sont détournés et même inversés. La situation irrégulière et fautive devient « un amour  indéfectible », « la noblesse d’un lien » n’est pas celui du sacrement, cette première union sanctifiée par Dieu ». Le Père parle à tort de première union, car c’est la seule union réelle. La deuxième union n’est pas valide et donc nulle, elle n’a pas d’existence pour l’Église. Elle se substitue à l’union qui se devait être « indéfectible », elle l’usurpe et en emprunte même le nom et ses valeurs. Le nouvel homme a beau être « merveilleux », comme nous le dit le père Zanotti, l’amour ne suffit pas à justifier une telle union. L’argument du « tant qu’ils s’aiment » n’a pas de poids. Car l’amour peut avoir bien des facettes. On doit aimer, surtout si on se dit disciple du Christ, ce que Dieu veut qu’on aime. Or Dieu n’aime pas l’injustice et l’impureté, et l’adultère est les deux à la fois. Vivre avec quelqu’un more uxorio, comme mari et femme, lorsqu’on est déjà marié validement à une personne vivante est un adultère. Certes l’Église est une mère ainsi que le répète le P. Zanotti à la suite du pape François, mais justement une mère n’est pas une marâtre qui maltraite les enfants d’une première union, qui excuse et encourage le vice et le désordre. Elle veut des fils et des filles purs et dignes de l’amour de Dieu, qui est un amour chaste, honnête, juste et vrai. 
 Le père pense pouvoir dissocier la loi générale des actes particuliers, comme la théologie du choix fondamental, que critiquait saint Jean-Paul II dans Veritatis Splendor, dissociait l’intention générale, l’idéal d’un type de vie morale et les actes particuliers, pour mieux justifier des comportements en opposition avec la morale traditionnelle. Il se trouve que c’est précisément le saint pape polonais qui rappelait dans la même encyclique que « de semblables théories ne sont cependant pas fidèles à la doctrine de l'Eglise, puisqu'elles croient pouvoir justifier, comme moralement bons, des choix délibérés de comportements contraires aux commandements de la Loi divine et de la loi naturelle. Ces théories ne peuvent se réclamer de la tradition morale catholique : s'il est vrai que celle-ci a vu se développer une casuistique attentive à pondérer les plus grandes possibilités de faire le bien dans certaines situations concrètes, il n'en demeure pas moins vrai que cette façon de voir ne concernait que les cas où la loi était douteuse et qu'elle ne remettait donc pas en cause la validité absolue des préceptes moraux négatifs qui obligent sans exception. Les fidèles sont tenus de reconnaître et de respecter les préceptes moraux spécifiques déclarés et enseignés par l'Eglise au nom de Dieu, Créateur et Seigneur ».
  Si la Tradition et son enseignement par le Magistère de l’Église est à comprendre dans une herméneutique de la continuité, il est nécessaire de dire que les circonstances et les exceptions à la loi ne concernent pas les commandements négatifs de la loi éternelle. Dire comme le fait le Père que « désormais  dans certains cas » certaines personnes peuvent déroger à ces commandements est en opposition avec le rappel péremptoire de saint Jean-Paul II : « les préceptes moraux négatifs obligent sans exception ». « Aucune exception » n’est pas compatible avec « certains cas ». Peut-être que Jean-Paul II se trompe, mais qu’on ne vienne pas nous assurer d’une continuité d’un pontificat à l’autre.  
La "fragilité" est la circonstance majeure du chapitre VIII d'Amoris et même son sous-titre qui est supposée justifier la compatibilité entre l'accès aux sacrements et situation irrégulière. Ainsi le Père prend comme exemple "une femme [qui] a été abandonnée par son mari, [et donc] les idées noires la dominent en raison de la solitude à laquelle son mari la contrainte". La fragilité ou la faiblesse expliquent et justifient une deuxième union qui s'ajoute à la première. La commisération est souvent utilisée dans les cours de justice pour atténuer la peine ou la coulpe de l'accusé. On sait aussi comment cela se passe quand on commence par faire des exceptions pour quelques cas de situations difficiles. On l'a vu pour d'autres sujets moraux graves. D'abord il y a une petite brèche dans le barrage, puis sous la pression, toute la construction finit par céder.
 Le seul hic est que selon saint Thomas, la faiblesse a l'effet inverse. Premièrement, le docteur commun explique qu'on peut pécher sciemment par faiblesse, et donc volontairement, même en possédant de façon habituelle la science de l'universel, et qu'un péché qui se commet par passion ou faiblesse peut être mortel car "il est au pouvoir de la volonté d'empêcher que la raison soit liée" (De Malo, III, 12). La faiblesse n'excuse donc pas, mais deuxièmement pour le docteur angélique, mieux vaut pécher par faiblesse, surpris par un mouvement véhément de la passion que de s'installer dans le péché. Dans le premier cas, le principe du péché se situe dans l'appétit sensible qui est un principe extérieur à la volonté, "tandis que lorsque quelqu'un pèche par habitus, ce qui revient à pécher par malice, alors la volonté tend par elle-même à l'acte du péché, comme déjà totalement portée à l'acte du péché par l'habitus par mode d'inclination naturelle; aussi le péché est plus volontaire, et par conséquent, plus grave. Deuxièmement parce que, chez celui qui pèche par faiblesse ou par passion, la volonté est inclinée à l'acte du péché tant que dure la passion mais, sitôt qu'elle est passée, et elle passe vite, la volonté revient de cette inclination et retrouve le propos du bien, en se repentant du péché commis. Au contraire, chez celui qui pèche par malice, la volonté est inclinée au péché tant que demeure l'habitus, qui ne passe pas, mais perdure comme une forme devenue désormais immanente et connaturelle: aussi ceux qui pèchent de la sorte persévèrent dans la volonté de pécher et ne se repentent pas facilement". (ibid., article 13) La faiblesse n'excuse pas nécessairement une chute occasionnelle, mais au moins elle permet de se relever rapidement, ce qui n'est pas le cas de celui qui se complait dans l'acte défendu, et consent à le répéter dès que possible. Il est de ce fait inapproprié de parler de fragilité ou de faiblesse quand on s'installe dans un état irrégulier stable. La faiblesse peut expliquer le premier mouvement, la première chute, mais répéter sans cesse ce péché avec le ferme propos de pécher est de "l'intempérance" et non de "l'incontinence" nous dit saint Thomas. L'intempérant ne peut pas être facilement ramener vers le droit chemin. Saint Thomas termine en disant que se maintenir ainsi dans une situation de péché, s'appelle pécher par malice et c'est l'équivalent du péché contre l'Esprit: "celui qui, de cœur, de bouche et d'action, s'oppose à la rémission des péchés au point de persévérer dans le péché jusqu'à la mort. Et c'est pourquoi, selon saint Augustin, le péché contre l'Esprit Saint est l'impénitence qui persévère jusqu'à la mort".

De plus, si saint Thomas distingue la loi générale des cas particuliers, c’est pour montrer que l’application des principes premiers de la raison pratique au cas particulier est difficile, plus on descend dans les détails, plus on risque de trouver non pas des « exceptions » à la règle mais des « défaillances », soit des mauvaises applications de la loi au cas particulier.  Si en effet les circonstances peuvent aggraver ou atténuer la culpabilité de ceux qui sont responsables de l’échec d’un mariage, elles ne peuvent selon saint Thomas d’Aquin excuser de l’adultère, à moins de folie ou d’ignorance invincible, ce qui serait le cas si l’on ne pouvait pas savoir que la personne avec laquelle on a une union sexuelle n’était pas son conjoint légitime. Ne pas faire du tort au prochain en lui prenant sa femme ou son mari est un devoir évident pour saint Thomas que tout baptisé et même tout homme en tant qu’homme par nature doit connaître spontanément dans sa conscience.  Cette loi est beaucoup plus évidente que l’interdiction de la fornication qui elle n’est pas une atteinte flagrante d’injustice mais seulement un plaisir recherché en dehors de la règle de la raison. 
 Les commandements du décalogue qui sont les reflets de la loi éternelle dans la loi naturelle que chaque homme possède donc par nature, n’entrent pas dans les cas douteux que doivent éclairer et résoudre les directeurs de conscience . « L’assentiment d’un prêtre » que met en avant le P. Zanotti n’a ainsi rien à faire ici. Aucun prêtre ne peut déclarer désuni ce que Dieu a validement uni car cela ne relève pas de l’intention des consciences. Pourquoi parler de « noblesse d’un lien » alors qu’il n’y a pas de lien valide pour l’Église. Seul le mariage contracté initialement créer un lien indissoluble.  Le Père dit « se méfier des laxistes qui n’accordent aucune valeur à l’amour juré et scellé par un engagement sacré ». Nous ne voyons pas de différence entre « aucune valeur », « peu de valeur » ni même « beaucoup de valeur ». Accordé beaucoup de valeur est déjà du laxisme, il faut une valeur totale et absolue. Et tolérer la plus petite brèche dans l’indissolubilité du mariage en acceptant « dans certains cas » d’admettre des couples de personnes déjà liées par un lien sacré précédent encore valide « recevoir l’absolution et communier au corps sacré de Jésus avec l’assentiment d’un prêtre qui a vu la noblesse d’un lien », revient finalement à la nier et à la détruire. C’est tout ou rien. On ne peut accorder ni aucune, ni peu de valeur à l’amour lié par le sacré. Il nécessite une valeur absolue. De même il est ambigu de lire dans Amoris que « Le mariage chrétien se réalise pleinement dans l’union entre un homme et une femme qui se donnent l’un à l’autre dans un amour exclusif et dans une fidélité libre, s’appartiennent jusqu’à la mort et s’ouvrent à la transmission de la vie, consacrés par le sacrement qui leur confère la grâce... », « idéal » que « d’autres formes d’union contredisent radicalement » mais dont « certaines le réalisent au moins en partie et par analogie ». 
Le mariage chrétien ne se réalise pas « pleinement » lorsque les conditions citées ci-dessus sont remplies plus ou moins bien, pour essayer selon les cas, selon la volonté de parvenir à tendre vers un idéal lointain et sans doute utopique, ces conditions sont l’essence même du mariage chrétien, elles le constitue substantiellement. Ici également, il n’y a pas de moyen terme. Il y a le sacrement réalisé ou non avec ses conditions qui le rendent valide ou non. De même que pour le sacrement de l’Ordre, un jeune homme n’est pas plus ou moins ordonné prêtre. Il l’est entièrement ou il ne l’est pas. 

Copyright

>>Admin